I write these lines in French, a language that is not foreign to me, that I learned after a desire for better knowledge of the world. It is in French that Minia Biabiany and myself talk to one another. She lives in Guadeloupe, I’m in Brazil. Minia tells me about her interest in forms of healing that she has known since her childhood. She also tells me about the banana tree flower and the contamination of the ground by pesticides, spread over large-scale monocultures for export to Europe and that have been in activity since the sixteenth century. I understand what she tells me and I can’t stop thinking about the similarities between the Histories of our countries. Histories of colonisations, acts of violence and discrimination.
Since the early 2010s, Minia Biabiany (1988) has been developing a work linked to the deconstruction of stories in relation to the legacy of colonisation, with her place of birth – Guadeloupe – as its point of departure and territory of experimentation. The artist creates a multisensorial œuvre in which she calls on a great variety of materials. Through installations, videos, and drawings, she constructs an ephemeral poetics in which the question of opacity, as Édouard Glissant describes it, is a central concept. Various plant elements as well as metal, ceramics, or plastic are associated, to set up conversations between past and present periods. The artist invests the exhibition space to transform it into an immersive space where the experience of the body enters into a cyclical, circular time, in which our knowledges cross paths with other disciplines, conversing with shadows and affects, coming from other times and other bodies.
The artist touches on the intrinsic dimensions of colonialism: the marginalisation of certain bodies, of certain identities, the capitalisation of land, nature and the environment. For the ambivalent thought of opacity, the work of art is at once autonomous and linked to all the rest: as much to a part of the world as to a representation of it. In the installations, like Musa Nuit(2020) or Toli Toli(2018), the public discovers the artworks and does not know what is happening. This moment of confusion is a way of practising decolonisation. It is when you start to ask yourself questions that knowledge comes about: what I know and what I don’t know, why I don’t know, and the connection maintained with the act of invisibilisation. In art, all artworks are capable of raising these questions.
In an interview, the artist affirms that her intention is that of “reappropriation of spaces that have been confiscated: territory, body, healing, the power of nature.” Linked to the memory of slavery, Biabiany builds a continuum between mental and physical space, like that of the “Creole garden”, emerging out of conditions of slavery in which decorative plants, medicinal plants, and plants with protective power cohabitate.
Finally, the book Ritmo Volcán (2021), one of the artist’s latest projects, is the materialisation of a collective work in collaboration with three other authors. The book is written and translated into four languages: English, Spanish, French, and Guadeloupean Creole, presented without any hierarchical logic between them, on an equal footing. Without claiming to appropriate or announce her association with native languages or those of colonisers, Minia Biabiany suggests working within the coexistence of languages, leaving room for “opacity” and creating new possibilities of interpretation for understanding the shifts and transformations in meanings.
J’écris ces lignes en français, une langue qui m’est étrangère, que j’ai apprise suite à un désir d’une meilleure connaissance du monde. C’est en français que Minia Biabiany et moi parlons. Elle vit en Guadeloupe, moi au Brésil. Minia me parle de son intérêt pour les formes de guérison qu’elle connaît depuis son enfance. Elle me parle aussi de la fleur du bananier et de la contamination des sols par des pesticides répandus pour la monoculture à grande échelle pour l’exportation vers l’Europe, en activité depuis le XVIème siècle. Je comprends ce qu’elle me dit et je ne peux m’empêcher de penser aux similarités des Histoires de nos pays. Histoires des colonisations, des violences et de discriminations.
Depuis le début des années 2010, Minia Biabiany (1988) développe un travail lié à la déconstruction de récits en rapport avec l’héritage de la colonisation, ayant son lieu de naissance – la Guadeloupe – comme point de départ et territoire d’expérimentation. L’artiste crée une œuvre multi-sensorielle dans laquelle elle fait appel à une grande variété de matériaux. A travers des installations, des vidéos et des dessins, elle construit une poétique éphémère où la question de l’opacité, telle que la décrit Edouard Glissant, est un concept central. Différents éléments végétaux ainsi que le métal, la céramique ou encore le plastique, sont convoqués pour agencer des dialogues entre les temps du passé et le présent. L’artiste investit l’espace d’exposition pour le transformer en un espace immersif où l’expérience du corps rentre dans un temps cyclique, circulaire, dans lequel nos savoirs croisent d’autres disciplines dialoguant avec des ombres et des affects, venant d’autres temps et d’autres corps.
L’artiste touche aux dimensions intrinsèques du colonialisme : la marginalisation de certains corps, de certaines identitĂ©s, la capitalisation du foncier, de la nature et de l’environnement. Pour la pensĂ©e ambivalente de l’opacitĂ©, l’Ĺ“uvre d’art est Ă la fois autonome et liĂ©e Ă tout le reste : autant Ă une partie du monde qu’ Ă une reprĂ©sentation de celui-ci. Dans les installations, comme Musa Nuit (2020) ou Toli Toli (2018), le public dĂ©couvre les Ĺ“uvres et ne sait pas ce qu’il s’y passe. Ce moment de confusion, c’est une façon de pratiquer la dĂ©colonisation. C’est quand on commence Ă se demander ce qu’est le savoir : ce que je sais et ce que je ne sais pas, pourquoi je ne sais pas et le lien entretenu avec l’acte de rendre invisible. En art, toutes les pièces sont capables de soulever ces questions.
Dans une interview, l’artiste affirme que son intention est celle de la «réappropriation des espaces qui ont été confisqués : territoire, corps, guérison, force de la nature. » En lien avec la mémoire de l’esclavage, Biabiany construit un continuum entre espace psychique et espace physique, comme celui du « jardin créole » né des conditions esclavagistes où cohabitent plantes décoratives, plantes médicinales et plantes au pouvoir protecteur.
Finalement, le livre Ritmo Volcán (2021), l’un des derniers projets de l’artiste, est la concrétisation d’un travail collectif en collaboration avec trois autres auteurs. Le livre est écrit et traduit en quatre langues : anglais espagnol, français et créole guadeloupéen, présentées sans logique hiérarchique entre elles, sur le même pied d’égalité. Sans prétendre s’approprier, ou encore, annoncer son appartenance aux langues natives ou celles des colonisateurs, Minia Biabiany propose de travailler dans la coexistence des langues laissant une place à « l’opacité » et créant de nouvelles possibilités de lecture pour comprendre les glissements et mutations des significations.
Minia Biabiany (Guadeloupe,1988) works and lives in Guadeloupe.
In her practice she observes how the perception of the body is entangled with the perception of space, land and History. Mainly in installations and videos, she convoques the paradigm and the gestures of weaving by creating poetic and politique narratives linked with self-understanding and healing. She explores the possibility of an enunciation out of the dominant colonial storytelling particularly in the context of Guadeloupe and of the tabou of the consequences of the french assimilation in the relation between the population, the land and plants.
Minia Biabiany initiated the artistic and pedagogical collective project semillero Caribe in 2016 in Mexico City and continues to explore the deconstruction of narratives with the sensations of the body and concepts from Caribbean authors with the experimental platorm Doukou.
She studied in the Fine Art school ENSBA Lyon in France. Her work has been shown in the Xth Biennale de Berlin, TEOR/éTica in Costa Rica, Witte de Wite in Rotterdam, Crà ter Invertido in Mexico, Prix Sc Po 2019 in Paris, SIGNAL in Malmö and also exhibited in the Palais de Tokyo in fall 2022. Her first multilingual monograph Ritmo Volcan just came out at the Edition house Temblores.
Minia Biabiany (Guadeloupe,1988) travaille et vit en Guadeloupe.
Dans sa pratique, elle observe comment la perception du corps influe sur la perception de l’espace, du territoire et de l’Histoire. Principalement dans des installations et des vidĂ©os, elle convoque le paradigme et les gestes du tissage en crĂ©ant des rĂ©cits poĂ©tiques et politiques liĂ©s Ă la comprĂ©hension de soi et Ă la guĂ©rison. Elle explore la possibilitĂ© d’une Ă©nonciation hors de la narration coloniale dominante, notamment dans le contexte de la Guadeloupe et du tabou des consĂ©quences de l’assimilation française dans la relation entre la population, la terre et les plantes.
Minia Biabiany a initiĂ© le projet collectif artistique et pĂ©dagogique semillero Caribe en 2016 Ă Mexico et continue d’explorer la dĂ©construction des rĂ©cits avec les sensations du corps et les concepts des auteurs caribĂ©ens avec la plateforme expĂ©rimentale Doukou.
Elle a Ă©tudiĂ© Ă l’Ă©cole des Beaux-Arts ENSBA Lyon en France. Son travail a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© Ă la Xe Biennale de Berlin, Ă TEOR/Ă©Tica au Costa Rica, Ă Witte de Wite Ă Rotterdam, Ă CrĂ ter Invertido au Mexique, au Prix Sciences Po 2019 Ă Paris, Ă SIGNAL Ă Malmö ainsi qu’ au Palais de Tokyo Ă l’automne 2022. Sa première monographie multilingue Ritmo Volcan vient de paraĂ®tre aux Ă©ditions Temblores.
Camila Bechelany is a curator, researcher and art critic living between SĂŁo Paulo and Paris. She has a Master degree in Cultural Anthropology from EHESS in Paris and in Arts and Public Policy from New York University (NYU). She regularly publishes critical essays and curates in different scales and contexts.
She was a researcher at Modernités Plurielles program at Centre Pompidou, Paris (2012-2013) and a fellow at ICI, NY in 2012. She was assistant curator at MASP – Museu de Arte de São Paulo from 2016 to 2018. n 2019, she was curator of Pivô Pesquisa (SP), acting in the training of over 30 artists and organizing public programs.
She was a member of the group of art critics at Centro Cultural São Paulo in 2018 and 2019 and guest curator at Pinacoteca do Estado de São Paulo in 2019. Among her independent projects are Common Place – 10th Mostra 3M de Arte, SP, 2020; Géometries instables (Galleria Continua, Paris, 2022); Living Museum (Centre Pompidou, Paris, 2016) and the creation of the independent space La Maudite in 2013 in Paris. In 2018 she was a recipient of the Getty Foundation travel grant for CIMAM.
She was curator in residence at the BAR Project in Barcelona and a participant in the young curators program at ARCO Madrid in 2020. She is currently part of the curatorial team of the Nara Roesler gallery as director of institutional relations.
Camila Bechelany est commissaire d’exposition, chercheuse et critique d’art. Elle vit entre SĂŁo Paulo et Paris. Elle est titulaire d’un master en anthropologie culturelle de l’EHESS Ă Paris et d’un master en arts et politiques publiques de l’universitĂ© de New York (NYU). Elle publie rĂ©gulièrement des essais critiques et organise des expositions Ă diffĂ©rentes Ă©chelles et dans diffĂ©rents contextes.
Elle a Ă©tĂ© chercheuse au programme ModernitĂ©s Plurielles du Centre Pompidou, Paris (2012-2013) et boursière Ă l’ICI, NY en 2012. Elle a Ă©tĂ© curatrice adjointe au MASP - Museu de Arte de SĂŁo Paulo de 2016 Ă 2018. En 2019, elle a Ă©tĂ© curatrice Ă PivĂ´ Pesquisa (SP), participant Ă la formation de plus de 30 artistes et Ă l’organisation de programmes publics.
Elle a Ă©tĂ© membre du groupe de critiques d’art au Centro Cultural SĂŁo Paulo en 2018 et 2019 et curatrice invitĂ©e Ă la Pinacoteca do Estado de SĂŁo Paulo en 2019. Parmi ses projets figurent Common Place - 10th Mostra 3M de Arte, SP, 2020 ; GĂ©omĂ©tries instables (Galleria Continua, Paris, 2022) ; Living Museum (Centre Pompidou, Paris, 2016) et la crĂ©ation de l’espace indĂ©pendant La Maudite en 2013 Ă Paris. En 2018, elle a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une bourse de voyage de la Getty Foundation pour le CIMAM.
Elle a Ă©tĂ© curatrice en rĂ©sidence au BAR Project Ă Barcelone et a participĂ© au programme des jeunes curateurs de la foire ARCO Madrid en 2020. Elle fait actuellement partie de l’Ă©quipe curatoriale de la galerie Nara Roesler, SĂŁo Paulo, en tant que directrice des relations institutionnelles.
Ses idĂ©es peuvent sembler de la rĂŞverie, mais ont Ă©tĂ© alimentĂ©es par diverses Ă©tudes et publications scientifiques telles que A New Kind of Science (2002) de Stephen Wolfram, La Vie des Plantes, une mĂ©taphysique du mĂ©lange (2016) d’Emanuele Coccia et Informatique CĂ©leste (2017) du philosophe français Mark Alizart. Ce dernier avance l’idĂ©e que tout ce qui nous entoure est codĂ©. Une fois que l’on a compris comment la nature est codĂ©e, alors l’information peut ĂŞtre utilisĂ©e pour gĂ©nĂ©rer de nouvelles formes.