France’s fixation on its own art scene has always bemused me. So has the ensuing unstable formation of what lies beyond it. These give rise to a complex choreography of in/exclusion performed on the tightrope of a foundational yet fickle closure. Equally fascinating is the seeming unawareness that such operations cut both ways, inclusion effectively trapping those inside.
The artists I have chosen to feature—Mauricio Limón de León, Gaëlle Choisne, Liv Schulman, Jean-Charles Massera—may seem to have little in common. Over the next month, you will be welcomed into their autonomous-yet-related realms: exclaves (aka ‘detachments,’ ‘pockets,’ or ‘peculiars’), which are parts of states or territories separated from them by alien territories. Exclaves also have anatomical currency. Body and territory. Producing exclaves, these artists saunter across textual-territorial expanses.
Exclave (key out) is a potent word, granting its homonymic ex-slave fugitivity. The logically extended back-formation of enclave (key in) was first used in 1888, a year that also yielded the term back-formation itself, as well as buyer’s market, credit card, gallerygoer, gross anatomy, interracial, and urbanization.
I have known Jean-Charles Massera for years, cherishing his unruly shuttles across cultural production’s fields. Liv Schulman and I have been working closely for nearly two years on an exhibition currently not/on view at Bemis Center for Contemporary Arts and a performance COVID-postponed to 2021. Gaëlle Choisne’s work spellbound me at Bétonsalon. I wrote about it in Artforum. An accidental brand inscription in her installation at the Biennale de Lyon spirited its way into my text on Jean-Charles de Quillacq, ghosting its title. Mutual friends conjured Mauricio Limón de León on a Mexico City rooftop last year, an encounter that finds here its first public elaboration. And so, these artists straddle a French scene that includes Argentina, Brazil, Canada, Haïti, Israel, Mexico, USA … Or is it the other way around?
Why them? Easy: valence, or their works’ defining aggregation, welcoming, and binding materials, discourses, sites, and futures (and histories) into new powers. My encounters with their works evolved into conversations that stayed with me. These artists became fellow-travelers into the autonomous zones that are research, writing, and curating.
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Mauricio Limón de León’s projects often entail research and collaboration with groups of individuals over extended periods of time. While his approach flirts with anthropology and psychology, it rejects both their constitutive distance and narrative trappings. In his work, association shuttles across registers in an infectious, promiscuous play of projections and transferals. Intimacy, vulnerability, and kinship—which, Ruha Benjamin reminds us, is always produced and imaginary*—critically merge to carve out spaces of hospitality, with all its productive tensions. Limon’s works also foreground embodied knowledges and communal practices that resist the logics of authorship or mastery, capital or extraction. In all this, his work is deeply—if not always evidently—political.
In the ongoing work Performing White Skin, begun in 2019, masks endow their wearers with the near-magical privilege of soliloquy in an indictment of the hubris of whiteness.
The video Promise Prohibited (2013-2014) and the fanzine Buscando la sombra de árbol [Looking for the Shade of the Tree] (2014-2020) track Limón’s “adoption” by a community in the Iztapalapa neighborhood, east of Mexico City.
A playfully sensuous material intelligence informs the two related installations Someshapesarepornsomeshapesarenotporn (2017) and A Set of Non Verbal Fantasies (2018), yielding spaces of muffled, embodied pleasure. The video Tetlacuicuiliqui. (náhuatl) [The One Who Gets Something Out of People] (2015), also bypasses language, humorously recasting a typical quack doctor’s performance from street hustle to Botanical Garden pantomime.
The decade-long project With all the Respect That You Deserve Me! spins pink and blue cotton candy around spaces, onto patient sitters, and across volcanic lands. It skirts the sticky geopolitical questions of resource extraction, modernization, monopoly, and addiction while conjuring the exhilarating childhood memories of sweet smells, magic swirls, and sugar melting on your tongue.
Boxing moves face off with dance steps in the video Dientes Rotos [Broken Teeth] (2014-2015) as the space and energy between the bodies onscreen, the negative space between red and black, is the ghost of community. In a society struggling with widespread femicide, these bodies fall in step in complex and unsettled ways.
Sylvie Fortin, 2020
- Ruha Benjamin, “Black AfterLives Matter: Cultivating Kinfulness as Reproductive Justice” in Making Kin Not Population, ed. Adele E. Clarke and Donna Haraway (Chicago: Prickly Paradigm Press, LLC, 2018), 41-65.
L’obsession de la France pour sa propre scène artistique m’a toujours déroutée. Tout comme le concept flou sur lequel elle repose. Cela donne lieu à une chorégraphie complexe d’in/exclusion, exercice d’équilibre provoqué par un manque d’ouverture fondamental, mais capricieux. Tout aussi fascinante est l’apparente inconscience du caractère contradictoire d’un tel fonctionnement, l’inclusion piégeant effectivement ceux qui se trouvent à l’intérieur.
Les artistes que j’ai choisi de présenter - Mauricio Limón de León, Gaëlle Choisne, Liv Schulman, Jean-Charles Massera - peuvent sembler avoir peu en commun. Au cours du mois prochain, nous vous accueillerons pour découvrir leurs domaines autonomes mais connexes : les enclaves (« exclaves » en anglais », aussi appelées « possessions détachées », « territoires isolés » ou « espaces particuliers »), des territoires ou des États placés à l’intérieur d’autres territoires ou d’autres États. Les enclaves ont également une monnaie de forme anatomique. Corps et territoire. En créant des enclaves, ces artistes cheminent à travers des étendues textuelles-territoriales.
Enclave (exclave en anglais) est un terme puissant, qui admet la possibilité de fuite contenue dans son homonyme en anglais l’ex-esclave. La dérivation régressive par extension logique du concept d’enclave (enclave en anglais) a été utilisée pour la première fois en 1888, une année qui a également vu la naissance du terme troncation lui-même, ainsi que de ceux de marché d’acheteurs, carte de crédit, galeriste, anatomie macroscopique, interracial et urbanisation.
Je connais Jean-Charles Massera depuis des années et j’apprécie ses allées et venues indisciplinées dans les domaines de la production culturelle. Liv Schulman et moi travaillons en étroite collaboration depuis près de deux ans à une exposition pas encore ouverte au public au Bemis Center for Contemporary Arts et sur une performance COVID – reportée à 2021. J’ai été envoûtée par l’œuvre de Gaëlle Choisne à Bétonsalon. J’en ai parlé dans Artforum. La référence involontaire à une marque, lors de son installation à la Biennale de Lyon, s’est glissée dans mon texte sur Jean-Charles de Quillacq, en rendant son titre illisible. Des amis communs ont invité Mauricio Limón de León sur un toit de Mexico l’année dernière, une rencontre qui trouve ici sa première concrétisation publique. Ainsi, ces artistes naviguent dans une scène française qui comprend l’Argentine, le Brésil, le Canada, Haïti, Israël, le Mexique, les États-Unis… Ou est-ce l’inverse ?
Pourquoi eux ? La réponse est simple : une vision commune, ou ce qui caractérise leur travail, l’agrégation, l’accueil et l’assemblage de matériaux, discours, sites et avenirs (et d’histoires) pour leur conférer de nouveaux pouvoirs. La découverte de leurs œuvres s’est poursuivie au cours de conversations qui m’ont marquée. Ces artistes sont devenus des compagnons de voyage dans les zones autonomes que sont la recherche, l’écriture et le commissariat d’exposition.
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Les projets de Mauricio Limón de León impliquent souvent des recherches en collaboration avec des groupes sur de longues périodes. Si son approche flirte avec l’anthropologie et la psychologie, elle rejette à la fois leur distance théorique et leurs pièges narratifs. Dans son travail, leur association navigue entre les registres dans un jeu de projections et de transferts contagieux et teinté de promiscuité sexuelle. L’intimité, la vulnérabilité et les liens de parenté – qui, comme nous le rappelle Ruha Benjamin , sont toujours des productions de notre imaginaire* – fusionnent de manière critique pour créer des espaces d’hospitalité, avec toutes les tensions productives qu’ils supposent. Les travaux de Limon mettent également en avant des savoirs incarnés et des pratiques communautaires qui résistent aux logiques de la paternité de la création ou de sa maîtrise, du capital ou de l’origine sociale. En ce sens, son travail est profondément – même si ce n’est pas toujours évident – politique.
Dans son œuvre en cours Performing White Skin, débutée en 2019, les masques confèrent à ceux qui les portent le privilège quasi-magique du soliloque dans un réquisitoire contre l’orgueil démesuré de l’homme blanc.
La vidéo Promise Prohibited (2013-2014) et le fanzine Buscando la sombra de árbol [À la recherche de l’ombre de l’arbre] (2014-2020) suivent le parcours de l’« adoption » de Limón par une communauté du quartier d’Iztapalapa, à l’est de Mexico.
Les deux installations Someshapesarepornsomeshapesarenotporn (2017) et A Set of Non Verbal Fantasies (2018) sont le fruit d’une appréhension ludique et sensuelle du concept, qui donne naissance à des espaces où le plaisir est incarné et étouffé. La vidéo Tetlacuicuiliqui. (náhuatl) [Celui qui obtient quelque chose des gens] (2015), contourne également le langage, transformant avec humour le comportement d’un médecin charlatan typique, de l’arnaque de rue à la pantomime du jardin botanique.
Dans le projet entamé il y a dix ans With all the Respect That You Deserve Me ! des filaments de sucre rose et bleu de barbe à papa tournent dans les espaces, sur des modèles patients et des terres volcaniques. Mauricio Limón de León aborde les questions géopolitiques épineuses de l’extraction des ressources, de la modernisation, du monopole et de la dépendance, tout en évoquant des souvenirs d’enfance enivrants d’odeurs sucrées, de tourbillons magiques et de sucre qui fond sur la langue.
Mouvements de boxe et pas de danse se font face dans la vidéo Dientes Rotos [Dents cassées] (2014-2015), car l’espace et l’énergie à l’œuvre entre les corps à l’écran, le vide en négatif entre le rouge et le noir, est le fantôme de la communauté. Dans une société aux prises avec un féminicide généralisé, ces corps finissent par accorder leur rythme dans un jeu complexe et trouble.
Sylvie Fortin, 2020
Traduit de l’anglais par Elsa Maggion
- Ruha Benjamin, “Black AfterLives Matter: Cultivating Kinfulness as Reproductive Justice,” in Making Kin Not Population, ed. Adele E. Clarke and Donna Haraway (Chicago: Prickly Paradigm Press, LLC, 2018), 41-65.
Born in Mexico City in 1979, Mauricio Limon lives and works in Paris. His practice explores ethnological-urban interactions, sexuality, and power through long-term, open-ended, collaborative research that considers class struggle through the lens of psychoanalysis. For years, Limon has been closely involved with a group of people who inhabit social margins, improvise forms of living, work in public space, and often participate in marginal activities.
Recognition, projection, and fantasy draw him to these subjects and the skills and knowledge they have developed from living at society’s edges.
His work gives form to this iterative research through different media, including video, performance, painting, and installation.
Former resident at the Fiminco Foundation, Paris (2020-2021), Mauricio Limon is a former student of the Rijksakademie, Amsterdam (2016-2017); de la Cité internaltionale des Arts, Paris (2019) and Casa Wabi, Mexico. (2018) His work was presented at Pequod.Co CDMX, 2021; Cultural Institute of Mexico in Paris, 2020; Museo Universitario del Chopo, CDMX, 2019, 2013; Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam, 2018; Museo de Arte Carrillo Gil, CDMX, 2019, 2006; Rozenstraat - a rose is a rose is a rose, Amsterdam, 2017; Galería Hilario Galguera, CDMX, 2017, 2014, 2008; Pinchuk Art Center, Kiev, 2014; Museo Tamayo, CDMX, 2014; KunstMuseum Bonn, 2013; Y-Gallery, New York, 2013; Boston Museum of Fine Arts, 2011; Galerie Laroche / Joncas, Montreal, 2011; San Francisco Art Institute, 2010; and Centro de Arte Dos de Mayo (CA2M) Madrid, 2010. His work is part of the collections of Kusnt Palast, DE; Frank Demaegd Collection, BE; Alain Servais collection, BE; Museum of Contemporary Art San Diego, CA; Museo Universitario de Arte Contemporaneo, MX; Cisneros Collection, NY.
Né à Mexico en 1979, Mauricio Limon vit et travaille à Paris. Sa pratique explore les interactions ethno-urbaines contemporaines, la sexualité et le pouvoir à travers une recherche collaborative ouverte à long terme qui considère la lutte des classes à travers le prisme de la psychanalyse. Pendant des années, Limon a été étroitement impliqué avec un groupe de personnes qui habitent les marges sociales, improvisent des formes de vie, travaillent dans l’espace public et participent souvent à des activités marginales. La reconnaissance, la projection et la fantaisie l’attirant vers ces sujets et vers les compétences et les connaissances qu’ils ont acquises en vivant aux confins de la société. Son travail donne forme à cette recherche itérative à travers différents supports, dont la vidéo, la performance, la peinture et l’installation.
Ancien Résident à la Fondation Fiminco, Paris (2020-2021), Mauricio Limon est ancien élève de la Rijksakademie, Amsterdam (2016-2017) ; de la Cité internaltionale des Arts, Paris (2019) et Casa Wabi, Mexico. (2018) Son travail a été présenté au Pequod.Co CDMX, 2021; Institute Culturel du Mexique à Paris, 2020; Museo Universitario del Chopo, CDMX, 2019, 2013; Ellen de Bruijne Projects, Amsterdam, 2018; Museo de Arte Carrillo Gil, CDMX, 2019, 2006; Rozenstraat - une rose est une rose est une rose, Amsterdam, 2017; Galería Hilario Galguera, CDMX, 2017, 2014, 2008; Centre d’art Pinchuk, Kiev, 2014; Museo Tamayo, CDMX, 2014; KunstMuseum Bonn, 2013; Y-Gallery, New York, 2013; Musée des beaux-arts de Boston, 2011; Galerie Laroche / Joncas, Montréal, 2011; Institut d’art de San Francisco, 2010; et Centro de Arte Dos de Mayo (CA2M) Madrid, 2010. Son travail fait partie des collections de Kusnt Palast, DE ; Frank Demaegd Collection, BE ; Alain Servais collection, BE; Museum of Contemporary Art San Diego, CA ; Museo Universitario de Arte Contemporaneo, MX ; Cisneros Collection, NY.
Sylvie Fortin is an independent curator, critic, researcher, and editor based between Montréal, New York, and Omaha, NE, where she is the Curator-in-Residence 2019-2021 at the Bemis Center for Contemporary Arts. She was Executive/Artistic Director of La Biennale de Montréal (2013-2017), Executive Director/Editor of ART PAPERS in Atlanta (2004-2012) and Curator of Manif 5 – the 5th Québec City Biennial (2010). She contributes to many periodicals, including Artforum International, ART PAPERS, C Magazine, and Flash Art International, and her essays, interviews, and critical writings have been published in catalogues, readers, and anthologies. She initiated PASS, the International Biennial Association’s journal and edited its inaugural issue in 2018. She is also editing the Fall 2020 issue of Public Journal on the currencies of hospitality, which she has been researching since 2017. Her recent exhibition of new works by Richard Ibghy & Marilou Lemmens (2019) at Bemis will be touring through 2022, radically reconfigured for each venue. She is collaborating with Argentinian-French Liv Schulman for the North American premiere of her work, including The New Inflation (2020), a performance in three episodes cast, written, produced, and filmed in Omaha, and a large group exhibition delving into the storied entanglements of the body and hospitality (2021-2022).
Sylvie Fortin est commissaire indépendante, critique, chercheuse et éditrice. Elle navigue entre Montréal, New York et Omaha, Nebraska, où elle est la curatrice en résidence 2019-2021 au Bemis Center for Contemporary Arts. Elle a été directrice exécutive/artistique de La Biennale de Montréal (2013-2017), directrice de la rédaction/rédactrice en chef d’ART PAPERS à Atlanta (2004-2012) et commissaire de Manif 5 - la 5e Biennale de Québec (2010). Elle contribue à de nombreux périodiques, dont Artforum International, ART PAPERS, C Magazine et Flash Art International, et ses essais, entretiens et écrits critiques ont été publiés dans des catalogues, recueils et anthologies. Elle est à l’initiative de PASS, la revue de l’International Biennial Association dont elle a édité le numéro inaugural en 2018. Elle édite également le numéro d’automne 2020 de Public Journal qui traite des devises de l’hospitalité, sur lesquelles elle mène des recherches depuis 2017. Sa récente exposition de nouvelles œuvres de Richard Ibghy & Marilou Lemmens (2019) au Bemis sera en tournée jusqu’en 2022, radicalement reconfigurée pour chaque lieu. Elle collabore avec l’artiste Argentino-Française Liv Schulman pour la première nord-américaine de son travail, notamment The New Inflation (2020), une performance en trois épisodes dont le casting, l’écriture, la production et le tournage se sont déroulés à Omaha. Elle organise aussi avec elle une grande exposition de groupe qui explore les intrications historiques du corps et de l’hospitalité (2021-2022).
”Rayane Mcirdi is an emerging artist, who lives and works in Paris. Inspired by his suburban hometown of Gennevilliers, and popular media ranging from football to American blockbusters, Mcirdi investigates the ways in which media penetrates the collective unconscious in various social and cultural environments.”