Mexico.

J’attends Apolonia qui devrait arriver dans la nuit.
Elle est endeuillée. Oksana, son amour, fondatrice des Femen, s’est donnée la mort.
Quelques jours plus tard, je trouve sur mon bureau ce poème en prose.

“Je suis arrivée à Mexico, le visage tout bouffi
mes yeux gonflés disparaissaient sous le maquillage
et mes cheveux, du foin brun
mes mains avaient triplé de volume.
ç’a été une année difficile.

[…]

Je suis arrivée à Mexico, mon visage était bouffi
mes mains étaient grosses comme des pattes d’ours
J’avais pris dix kilos, probablement à cause du deuil, de l’alcool et de la peinture.

Peindre est un acte difficile, surtout quand il s’agit d’huile. Les fumées toxiques vous font planer. La térébenthine dissout l’huile, mais je suis presque sûre qu’elle dissout aussi tout ce qui l’entoure.

J’ai de l’acné, des éruptions cutanées, les mains gonflées à cause des allergies, je perds mes cheveux.

La peinture est un acte difficile, elle vous prend aux tripes, vous devez la faire, elle décide pour vous. Vous pouvez commencer à explorer des endroits où vous ne voulez pas vraiment aller. Par exemple, après une mort violente, vous pouvez vous mettre à peindre les morts.

C’est douloureux, vraiment.

Peindre les gens, c’est difficile, surtout si vous les désirez.

Peindre les gens, c’est difficile, surtout quand ils ne sont plus là avec nous.

Je suis arrivé à l’aéroport de Mexico, le visage tuméfié, les yeux enfouis dans la graisse, et le cœur ruisselant encore de larmes. Elle était là, Toni. Elle avait quitté le Paris cocaïne et décadent il y a 4 ans, s’était mariée à un beau génie libéré de la fresa [quartier huppé] de Mexico. Ensemble, ils ont décidé de s’installer dans un endroit qui ressemble beaucoup à un Paradis. Toni est une force de la nature, elle fait partie des prêtres-artistes dont la force vient d’en haut.

Toni était autrefois Anthony.”

Suela Cennet, 2019

Traduit de l’anglais par Elsa Maggion

Née en 1988 à Paris, Apolonia Sokol est une peintre figurative française d’origine danoise et polonaise. Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, elle s’installe aux États-Unis, à New York d’abord, où elle travaille dans l’atelier du peintre Dan Colen. L’artiste déménage ensuite à Los Angeles où elle se lie d’amitié avec d’autres plasticiens et peintres avec lesquels elle entame une conversation sur la peinture figurative.

Apolonia Sokol est connue pour son approche politique de l’art du portrait, affirmant la nécessité de l’utiliser comme un outil d’autonomisation et de déconstruction de la marginalisation ou de la domination. C’est pourquoi, elle aborde de multiples questions telles que les féminismes, la question du genre, la culture queer, la représentation des femmes à travers l’histoire de l’art et le corps politique en général.

L’artiste a exposé à Copenhague, Bruxelles, Paris, Istanbul, Mexico, Rome, Los Angeles et son travail est inclus dans des expositions institutionnelles, telles que: Women painting Women au musée américain The Modern de Forth Worth, au Texas, Women au musée d’art moderne Arken au Danemark, Tainted Love / Club Edit à la Villa Arson , Aux sources des années 1980, au Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Sables d’Olonne, Mademoiselle au Crac Occitanie, Tainted Love, exposition inaugurale au Comfort Moderne, Peindre, dit-elle au Musée des Beaux-Arts de Dole. Ses expositions institutionnelles les plus récentes incluent Possédé(e)s: Deviance, Performance, Resistance organisée par Vincent Honoré au MOCO Contemporain, La Panacée et Conversation Piece VII Verso Narragonia (Towards Narragonia) organisée par Marcello Smarrelli à la Fondazione Memmo de Rome.

En 2020, Apolonia Sokol a été lauréate de la prestigieuse Académie de France et est devenue l’un des pensionnaires de la Villa Médicis pour 2020-2021. HBO & Danish Documentary coproduisent un documentaire sur le parcours de l’artiste, réalisé par Lea Glob qui l’a suivie au cours de la dernière décennie. Apolonia Sokol est représentée par T H E P I L L ® dans le monde entier.

Après des études de philosophie, Suela Cennet se spécialise en sciences politiques et en politiques publiques à Sciences Po Paris où elle obtient un double master en relations internationales ainsi qu’un MPA. Multilingue et très active très tôt à l’international, elle est nommée co-curatrice à l’occasion d’Istanbul, capitale culturelle de l’Union Européenne en 2010. Peu après, elle prend la direction des opérations de la galerie Templon où elle contribue aux débuts d’artistes tels que Juliao Sarmento, Kehinde Wiley, Jitish Kallat.

En 2013, elle décide de déménager ses opérations à Istanbul et crée une galerie avec son propre pool d’artistes parmi lesquels une forte famille d’artistes françaises tels que Marion Verboom et Eva Nielsen . Située dans une ancienne usine de générateurs, The Pill ® est une galerie d’art contemporain internationale basée dans la péninsule historique d’Istanbul au bord de la Corne d’Or. Fondée en 2015 et lancée en janvier 2016, la galerie fonctionne comme une plateforme globale qui rassemble des artistes locaux et internationaux. Initialement imaginée comme un espace de projet naval mobile, Elle vise à créer un environnement fertile pour l’art contemporain pluridisciplinaire, à accroître la visibilité de la scène émergente et à permettre un dialogue pertinent dans le contexte local en multipliant les collaborations avec d’autres institutions de la région, et en invitant des artistes internationaux à penser leur pratique ou à expérimenter sur un nouveau territoire. Depuis son ouverture, la galerie a réussi à s’imposer comme l’un des acteurs les plus influents de la région en multipliant les acquisitions muséales, en permettant à ses artistes de participer à des Biennales.

Les artistes de la galerie ont été présélectionnés pour des prix d’art convoités et The Pill ® fait partie du comité de sélection 2017-2018 ainsi que du jury d’ Emerige mécénat et du Prix Emerige pour l’art contemporain émergent en tant que partenaire international, une nouveauté dans l’organisation du prix.