In the course of a residency in New York City in 2015, the French-Moroccan artist Sara Ouhaddou began creating an alphabet. During this time, the artist pondered her family’s history of migration and their relationship to written language. Ouhaddou’s parents migrated to France from Meknes, Morocco, and established a life for themselves and their children without knowing how to read or write. How could people like her parents get by in a world dominated by text, and what kinds of knowledge, other than writing, could they use to do so? Ouhaddou’s alphabet was inspired by her interest in non-scriptural forms of writing. It is a hybrid combination of references to Amazigh, Arab, and Latin letters but also consists of symbols, shapes, colors, and arguably even materials.
It appears and evolves throughout her body of work and is only decipherable by her. She uses it, for example, to encrypt and transliterate texts and poems from Moroccan oral traditions, such as in her glazed ceramic series “Partition 1-3” (2023). The visual code utilized across her works allows Ouhaddou to destabilize viewers: the alphabet lures them with familiar forms while remaining impossible to grasp fully. In deliberately provoking their discomfort, the artist contemplates the exclusions produced by omnipresent writing systems. This conceptual approach is crucial to understanding the scope of Ouhaddou’s practice.
Another recent works, “Je de roĚ‚les” (2023) is an installation of floating wool panels handwoven by nomad communities in southern Tunisia. In this piece, Ouhaddou took cues from the North African mythical figure of the raggem, a wanderer who traveled from village to village to collect and spread stories and know-how. Although slowly disappearing from collective memory, many still remember the raggem as a genderless figure, sometimes as a scientist, a historian, a master of crafts, a storyteller, or even all of these simultaneously. Ouhaddou also found references to the figure in French colonial records. Paradoxically, these references described the traveler reductively, as men assigned the role of teaching nomad women how to weave and pitch tents.
For Ouhaddou, the raggem’s portrayal in colonial literature is symptomatic of the epistemic violence of modern times. It also represents the destructive effects caused by the systematic need of archiving of peoples’ cultures. On the contrary, the raggem, from oral tales, symbolizes the potential freedom and permeability of the way knowledge is created and produced. Composed of colorful threads drooping and extending from what appears to be unfinished weavings, “Je de rôles”, highlights the ungraspable nature of the raggem and suggests possibilities of rekindling lost chains of transmissions.
The artist’s production methods and techniques reflect these intentions. Take, for example, “Sin Ithran, Ur Mqadan, Rousn / Two stars, Unbalanced, They burn” (2020), one of her most emblematic creations. Reminiscent of the colorful windows of the madrassas (colleges) in Fez, Morocco, the artwork consists of two large hanging round stained glass panels and features Ouhaddou’s unique alphabet. For this sculpture, she sought out a person interested in (re)learning the craft of stained glass, a nearly extinct technique in Morocco. Throughout the production, her collaborator’s learning process guided the object’s final form. These types of collaborations are not only typical of this piece but are the focus of Ouhaddou’s practice. In fact, the artwork is almost always determined by the collaborative journey that Ouhaddou embarks on with producers.
Ouhaddou has developed a process-based approach to art-making that involves a network of makers skilled in various Moroccan traditional crafts such as ceramics, dyeing, embroidery, or weaving. Together with them, the artist discusses which skills or techniques they wish to learn or fine tune. These conversations define and shape each of Ouhaddou’s projects. These commissions therefore go beyond mere financial transactions and instead fashion spaces for experimental learning.
Ouhaddou has been following this method for over ten years, and her body of work mirrors both the flux and regularity of these human exchanges. For instance, stained glass reccurs as a frequently used material, as seen in works like “Al Kalima” (2022) or “An-Noor” (2023). Her upcoming exhibition at the Museum of African Contemporary Art Al Maaden (MACAAL), in Marrakech, seeks to make this aspect of her practice even more visible. For the first time, the artist conceived artworks as display structures and invited her collaborators to populate them with their own objects. Titled Display, the show (opening in fall 2024), showcases an art practice that is fluid, collaborative, and resists the norms of singular authorship.
À l’occasion d’une résidence à New York en 2015, l’artiste franco-marocaine Sara Ouhaddou a commencé à créer un alphabet. Au cours de cette période, elle s’est interrogée sur l’histoire de la migration de sa famille et le rapport de celle-ci à la langue écrite. Les parents de Sara Ouhaddou ont quitté Meknès, au Maroc, et se sont installés en France avec leurs enfants sans savoir ni lire, ni écrire. Comment des gens comme eux ont-ils pu arriver à s’en sortir dans un monde où l’écrit a autant d’importance et quels types de savoirs autres que le langage écrit ont-ils pu utiliser pour y parvenir ? L’alphabet créé par Sara Ouhaddou tire son inspiration de son intérêt pour les formes d’écriture non scripturales. Il est constitué d’une combinaison hybride de références à la calligraphie amazighe, arabe et latine, mais aussi de différents symboles, formes et couleurs, voire même de matériaux.
Cet alphabet en perpétuelle évolution apparaît dans l’ensemble de son œuvre et n’est déchiffrable que par elle. Elle l’utilise, par exemple, pour crypter et transcrire par translittération des textes et des poèmes issus de la tradition orale marocaine, comme dans sa série de céramiques émaillées intitulée Partition 1-3 (2023). Le code visuel utilisé dans ses créations permet à l’artiste de déstabiliser les spectateurs : l’alphabet les attire avec des formes familières tout en restant impossible à saisir pleinement. En provoquant délibérément leur inconfort, l’artiste s’interroge sur le phénomène d’exclusion engendré par l’omniprésence des systèmes d’écriture. La prise en compte de cette approche conceptuelle est essentielle pour appréhender la pratique de Sara Ouhaddou dans toute son ampleur.
Une autre de ses œuvres récentes, Je de rôles (2023), est une installation composée de panneaux de laine suspendus qui ont été tissés à la main par des communautés nomades du sud de la Tunisie. Pour cette création, Sara Ouhaddou s’est inspirée de la figure mythique en Afrique du Nord du raggem, un vagabond voyageant de village en village pour recueillir et transmettre des histoires et des savoir-faire. Bien qu’il soit en train de disparaître de la mémoire collective, beaucoup de gens se souviennent encore du raggem comme d’un personnage asexué, parfois considéré comme un savant, un griot, un artisan passé maître dans son art, un conteur, ou tout cela à la fois. Sara Ouhaddou a également trouvé des références à ce personnage dans des documents datant de la période coloniale française. Paradoxalement, ces sources décrivent ce voyageur de façon réductrice, comme un homme chargé d’apprendre aux femmes nomades le tissage et le montage des tentes traditionnelles.
Pour Sara Ouhaddou, la manière dont le raggem est évoqué dans la littérature coloniale est symptomatique de la violence épistémique des temps modernes. Elle est également représentative des effets destructeurs engendrés par le besoin systématique d’archiver les cultures des peuples colonisés. Au contraire, la figure du raggem, tirée de contes relevant de la tradition orale, symbolise le potentiel de liberté et la perméabilité qui résultent de la manière dont les connaissances sont créées et produites. Composée de fils de couleurs qui se déploient jusqu’au sol à partir de ce qui s’apparente à des tissages inachevés, l’installation Je de rôles souligne la nature insaisissable du raggem et suggère des possibilités de réactiver des chaînes de transmissions perdues.
Les méthodes et techniques de fabrication de l’artiste reflètent ces intentions. Prenons, par exemple, Sin Ithran, Ur Mqadan, Rousn / Deux astres, au déséquilibre, se brûlent (2020), l’une de ses créations les plus emblématiques. Réminiscence des fenêtres colorées des madrassas (écoles coraniques) de Fès, au Maroc, l’installation se compose de deux grands vitraux circulaires suspendus sur lesquels est reproduit l’alphabet singulier de Sara Ouhaddou. Pour cette œuvre sculpturale, l’artiste a fait appel à une personne désireuse de (ré)apprendre l’art du vitrail, une technique ayant quasiment disparue au Maroc. Tout au long de l’élaboration de cette œuvre, le processus d’apprentissage de sa collaboratrice a guidé la forme finale de l’objet. Ce type de collaboration n’est pas seulement lié à la réalisation de cette œuvre particulière : il se situe au cœur même de la pratique de Sara Ouhaddou. De fait, ses créations sont presque toujours déterminées par le parcours collaboratif que l’artiste entreprend avec les artisans qui participent à leur fabrication.
Sara Ouhaddou a développé une approche de la création artistique basée sur le processus, qui s’appuie sur un réseau de fabricants ayant des compétences dans divers artisanats traditionnels marocains tels que la céramique, la teinture, la broderie ou le tissage. Avec eux, l’artiste discute des savoir-faire et des techniques qu’ils souhaitent apprendre ou perfectionner. Ces conversations définissent et donnent forme à chacun de ses projets. Les commandes qui s’ensuivent vont donc au-delà de la simple transaction financière pour créer à la place des espaces d’apprentissage expérimentaux.
Sara Ouhaddou suit cette méthode depuis plus de dix ans et l’ensemble de ses créations reflète à la fois les fluctuations et la régularité de ces échanges avec d’autres. Ainsi, elle utilise fréquemment le vitrail comme matériau, comme en témoignent des créations telles que Al Kalima (2022) ou An-Noor (2023). Sa prochaine exposition au Musée d’art contemporain africain Al Maaden (MACAAL) de Marrakech vise à rendre cet aspect de sa pratique encore plus manifeste. Pour la première fois, elle a conçu ses créations comme des structures de présentation et a invité ses collaborateurs à les peupler de leurs propres objets. Intitulée « Display » (« Vitrine »), cette exposition inaugurée à l’automne 2024 met en avant une pratique artistique fluide et collaborative qui s’oppose au principe de la notion d’auteur envisagée sous l’angle d’un individu particulier.
Sara Ouhaddou is an artist living and working between Morocco and France. She’s born in France in a traditional Moroccan family and this dual culture informs her practice as a continuous dialogue. She strikes a balance between traditional Moroccan art forms and the conventions of contemporary art, aiming to place artistic creation’s forgotten cultural continuities into new perspectives. She works in situ, producing works based on encounters with communities, craftsmen and researchers, while exploring heritage sites and objects. Each of her works is a project of learning, exchange of knowledge and intimate or universal stories.
Sara Ouhaddou studied at the École Olivier De Serres Paris. She has participated in the exhibition : Moroccan Trilogy (2021), Museo Reina Sofia, Madrid, Spain; Global resistance (2020), Centre Pompidou, Paris, France, Manifesta Biennial, Trait-Union, Marseille (2020), Our World is burning, Palais de Tokyo, Paris (2020) Islamic Art festival, Sharjah (2017-2018) Crafts Becomes Modern, Bauhaus Dessau Foundation, Germany (2017); Marrakech Biennale, Morocco, (2016) and also participated to the following programs and residencies : IASPIS Stockholm (2021/2022), Art Explora x La cité Internationale des Arts (2021) and La cité Internationale des Arts x Daniel and Nina Carasso (2020/2021). She is represented by the Polaris gallery, Paris.
Sara Ouhaddou est une artiste qui vit entre la France et le Maroc. NĂ©e en France, d’une famille Marocaine, la double culture de Sara Ouhaddou façonne sa pratique artistique comme un langage continue. Sa pratique artistique aborde les dĂ©fis rencontrĂ©s par les artisan.e.s marocain.e.s. Elle questionne le rĂ´le de l’art comme outil de dĂ©veloppement Ă©conomique, social et culturel, tout particulièrement dans le monde arabe. En nous faisant partager ses interrogations sur les transformations de son hĂ©ritage, elle met en tension les arts traditionnels marocains et les codes de l’art contemporain afin de mettre en perspective les rĂ©alitĂ©s culturelles oubliĂ©es.
Elle a participé aux expositions suivantes : Islamic Art festival, Sharjah (2017-2018) Crafts Becomes Mordern, Bauhaus Dessau Fondation, Allemagne (2017) ; Marrakech Biennale, Morocco, (2016) and also held an exhibition of her work at the Moulin d’Art Contemporain Toulon, France (2015); Gaite Lyrique Tanger-Tanger, Paris (2014); and Marrakech Institut Français (2014. Parmi les prix qu’elle a reçu : Arab Fund for Art and Culture (2014) ; et Un Pourcent Art Contemporain NYC, Projet Little Syria (2017). Elle a été résidente à : IASPIS Stockholm (2021/2022), Art Explora x La cité Internationale des Arts (2021) and La cité Internationale des Arts x Daniel and Nina Carasso (2020/2021), Appartement 22, Rabat, Maroc (2017) ; Culturunner, New-York (2016); Edge Of Arabia ISCP, New-York (2015); et Trankat, Maroc (2014). Elle est représentée par la Galerie Polaris, Paris.
Beya Othmani is an art curator and researcher from Algeria and Tunisia. Currently, she is the C-MAP Africa Fellow at the Museum of Modern Art (MoMA), New York. Her recent curatorial projects include Cantando Bajito at the Ford Foundation Gallery (2024), the Ljubljana 35th Graphic Arts Biennial and Publishing Practices #2 at Archive Berlin (2023). Previously, she took part in the curatorial teams of various projects with sonsbeek20→24 (2020), the Forum Expanded of the Berlinale (2019), and the Dak’Art 13 Biennial (2018), among others, and was a curatorial assistant at the Berlin-based art space, SAVVY Contemporary. Some of her latest projects explored feminist publishing practices, post-colonial histories of print-making, and the construction of racial identities in art in colonial and post-colonial Africa.
Beya Othmani est une commissaire d’exposition Tuniso-AlgĂ©rienne et porte un intĂ©rĂŞt pour les projets qui favorisent l’intersection entre la recherche et les arts. Ses recherches rĂ©centes ont portĂ© sur l’histoire des expositions, la construction des discours Ă©mancipateurs et des identitĂ©s raciales dans l’art en Afrique coloniale et postcoloniale. Elle travaille actuellement au Museum of Modern Art (MoMA), Ă New York dans le dĂ©partement C-MAP (Perspectives sur l’art Contemporain-Moderne) Afrique.
Outre la recherche, elle est Ă©galement impliquĂ©e dans divers projets curatoriaux. Parmi ses rĂ©cents projets rĂ©cents, citons la 35e Biennale des arts graphiques de Ljubljana et Publishing Practices #2 Ă Archive Berlin. Elle est Ă©galement actuellement co-commissaire d’une sĂ©rie d’expositions en 2024 pour la Ford Foundation Gallery Ă New York.
Auparavant, elle Ă©tait membre de l’espace d’art Ă Berlin, SAVVY Contemporary, et a participĂ© au commissariat de divers projets avec sonsbeek20→24 (2020), le Forum Expanded de la Berlinale (2019), ou la Dak’Art 13 Biennale(2018), entre autres.
La beautĂ© est toujours offerte au-delĂ de ce qui est bon ou vrai. IndĂ©pendamment de ses explications. Certaines personnes que j’aime se mĂ©fient constamment des belles choses, surtout dans le domaine de l’art contemporain, comme si elles Ă©taient trompĂ©es. Elles ont raison, comme me le rappelle un nouveau regard sur l’art brillamment tentant de ValĂ©rie Belin, on ne peut jamais soustraire le mensonge de la beautĂ©. Cette leçon candide s’impose si doucement que, en regardant ses mannequins parfaits qui vous regardent, ou en les confondant avec ses China Girls, vous voulez croire que quelque chose parmi tous ces sosies Ă©tranges ou ces culturistes Ă©trangement brillants, ces cristaux et ces bouquets est rĂ©el, dep eur que la prĂ©tendue minceur de la beautĂ© ne vous laisse trop epu de choses auxquelles vous accrocher. Mais ValĂ©rie m’a appris (comme Oscar Wilde ou Claude Cahun) que certains mensons ne sont pas faux du tout, que certains masques sont tout ce que nous portons. Il suffit de regarder ses phptographies assez longtemps, et ne pas clignez les yeux.