My regard on the French art scene is layered by years of misunderstanding. Because what is a scene, because what is a French scene, because nationalism is violent to those who, like myself, are stuck in between places with no hope of legitimately belonging. “Don’t be so Derridean” someone from the back row replies, “an art scene is a context that unifies a set of material tendencies and conceptual questions. These are produced by art, and film, and music schools, and by what is speakable in language in a given place. They are produced by transmission between generations, a kind of filial line of ideas made tangible within a given radius.” But Glissant taught us that filiation justifies conquest, and Derrida taught us that that which is unspeakable structures language, and French art schools did not train Zineb Sedira, who has been chosen to represent France at Venice next year. “You see my difficulty” I say to the young man in the back row.
This list is made up of people who, like myself, belong and do not belong in several places. The selection also reflects a long-term focus of my curatorial practice to establish a dialogue with those who have some relationship to Algeria. This focus comes from my understanding that Algeria remains unspeakable in France, along with everything that happened there. It also comes from my conviction that society is constituted by those who articulate the unspeakable and whose belonging is unstable; those whom society cannot (should not) integrate, not fully, because integration would imply an acceptance of the violence of nationalism. This selection acknowledges the invisible centrality of Algeria’s place in French art and culture, without resolving the impossible contradiction of that fact.
A selection of four artists is a small number to substantiate such a position, I realize. But artwork doesn’t really substantiate theory. Artwork sits next to theory and evolves according to its own logic, sometimes contradicting its framing discourse. It is the possibility of contradiction that allows for any real dialogue, and so perhaps you, dear reader, will take this as an invitation.
[…]
Katia Kameli is interested in the role of visual representation in the construction of history. Oscillating between text, image, and testimony, her work also maps the possibility of history’s deconstruction.
In part one of Kameli’s video trilogy, Le Roman Algérien, the speculative voice of novelist and mathematician Djalila Kadi Hanifi asks—with regard to a photo and postcard stand in the center of Algiers—“Why are we interested in this kind of imagery?” She is referring to pictures of Algiers from the colonial period, in which Haussmannian boulevards are peopled with women in the traditional white body veil, or the haïk. Kadi Hanifi is really questioning which version of history interests those who control the means of the production of images, which in Algeria’s case is clearly enunciated by Nassim Labri, another of Kameli’s interlocutors, as the state. Roman Algérien is Kameli’s rebuttal to the state’s monopoly on the “image factory,” and, by extension, to the fact that men have largely written the history of Algeria.
Part two of the same work is given over almost exclusively to women in act of deconstructing these images, along with the history they continue to produce through their circulation. Lawyer and writer Wassyla Tamzali, seated on a long neutral-toned couch with piles of black and white images in front of her on a low table, speaks about the betrayal of historic moments by the men who figure in their representation as a matter of fact. She is lucid about women’s exclusion from the business of nation building in the post-war period.
Kameli is not only interested in deconstructing the existing image archive, she also insists on the presence of a counter-archive, one less public but nevertheless crucial. She renders visible women who themselves produced representations, such as: Louizette Ighilahriz, who fabricated Algerian flags from memory for the Independence Day celebration; Louiza Ammi Sid, who worked throughout the Black Decade as a photojournalist; the first Algerian female filmmaker, Assia Djebar; and Marie-José Mondzain, a French philosopher of the image born in Algiers—Mondzain’s mother was from a well-established Jewish Algerian family and her father was a Polish artist, a communist who escaped the Holocaust.
The trilogy pays homage to those who have persisted in reclaiming the production of their own histories, but it also serves as a vivid and pluralist counter to the lingering and violently Orientalist representation of Algerian women as a monolithic subject.
Natasha Marie Llorens, 2020
Le regard que je porte sur la scène artistique française se présente comme une superposition d’années d’incompréhension. La définition d’une scène, d’une scène française, le nationalisme frappent en effet violemment les personnes qui, comme moi, se trouvent coincées entre plusieurs lieux, sans espoir d’appartenance légitime. « Ne soyez pas si derridienne, ai-je pu entendre au dernier rang. Une scène artistique représente un contexte qui unifie un ensemble de tendances matérielles et de questions conceptuelles. Celles-ci sont produites par les écoles d’art, de cinéma et de musique et par ce qui est dicible dans le langage à un endroit donné. Elles sont produites par la transmission de génération en génération, une sorte de lignée d’idées qui se concrétisent au sein d’un périmètre spécifique. » Edouard Glissant nous a toutefois enseigné que la filiation justifie la conquête, alors que Derrida nous a appris que l’indicible structurait le langage, et les écoles d’art françaises n’ont pas formé Zineb Sedira, qui a été choisi pour représenter la France à Venise l’an prochain. « Vous comprenez mon problème », ai-je répondu au jeune homme du dernier rang.
Cette liste est constituée de personnes qui, comme moi, se sentent à la fois légitimes et illégitimes à différents endroits. Une telle sélection reflète également un objectif sur le long terme de mon activité de commissaire d’exposition visant à établir un dialogue avec quiconque entretient des liens avec l’Algérie. Je poursuis cette quête dans la mesure où je comprends que l’Algérie, ainsi que tous les événements qui s’y sont produits demeurent indicibles en France. Elle me vient également de ma conviction selon laquelle la société est façonnée par celles et ceux qui articulent l’indicible et dont l’appartenance est instable, celles et ceux que la société ne peut (ne doit) pas intégrer, pas entièrement, car l’intégration impliquerait une acceptation de la violence du nationalisme. Cette sélection reconnaît la place centrale invisible que l’Algérie occupe dans la culture et l’art français, sans pouvoir résoudre l’impossible contradiction de ce fait.
Je me rends compte qu’avoir choisi quatre artistes est un peu limité pour justifier une telle position. Mais l’œuvre d’art ne vient pas vraiment étayer la théorie. Elle se tient à côté de cette dernière et évolue selon sa propre logique, quitte à parfois contredire le discours qui l’encadre. Cette possibilité de contradiction permet d’entamer un vrai dialogue que vous, chers lecteurs, prendrez peut-être pour une invitation.
[…]
Katia Kameli s’intéresse au rôle de la représentation visuelle dans la construction de l’histoire.
Son œuvre, qui oscille entre texte, image et témoignage, schématise la possibilité de sa déconstruction.
Dans la première partie de la trilogie vidéo de l’artiste, Le Roman Algérien, alors que la caméra filme un stand de photos et cartes postales au centre d’Alger, la voix spéculative de la romancière et mathématicienne Djalila Kadi Hanifi interroge sur les raisons qui incitent à se passionner pour ce type d’images. Elle se réfère à des clichés d’Alger de la période coloniale, sur lesquels les boulevards haussmanniens fourmillent de femmes au corps recouvert du traditionnel voile blanc ou haïk. Djalila Kadi Hanifi se questionne vraiment sur la version de l’histoire qui intéresse les personnes contrôlant les moyens de production d’images, à savoir l’État, dans le cas de l’Algérie, comme l’annonce clairement l’un des autres intervenants du film Nassim Labri. Le Roman Algérien donne à Katia Kameli l’occasion de réfuter le monopole étatique de la « fabrique de l’image » et, par extension, le fait que l’histoire de l’Algérie ait été en grande partie écrite par les hommes.
La deuxième partie de l’œuvre se consacre presque exclusivement aux femmes en train de déconstruire ces images, ainsi qu’à l’histoire qu’elles continuent de produire à travers leur circulation. Assise sur un long canapé au ton neutre avec des piles de photos en noir et blanc sur une table basse devant elle, l’avocate et écrivaine Wassyla Tamzali évoque la trahison de moments historiques par les hommes qui figurent dans leur représentation comme un fait bien réel. Elle est lucide sur l’exclusion des femmes du projet de construction de la nation durant la période d’après-guerre.
Katia Kameli ne cherche pas seulement à déconstruire l’archive d’images existantes, elle insiste sur la présence d’une contre-archive, moins publique mais toutefois essentielle. Elle apporte de la visibilité aux femmes qui ont elles-mêmes produit des représentations, parmi lesquelles : Louizette Ighilahriz, qui a fabriqué des drapeaux algériens de mémoire pour célébrer le Jour de l’Indépendance ; Louiza Ammi Sid, qui a travaillé comme photojournaliste durant la « décennie noire » ; Assia Djebar, la première vidéaste algérienne ; et Marie-José Mondzain, philosophe de l’image française née à Alger (sa mère vient d’une famille juive algérienne bien établie et son père était un artiste polonais, un communiste qui a échappé à l’Holocauste).
La trilogie rend hommage aux personnes qui ont persisté à récupérer la production de leurs propres histoires et sert aussi de réplique frappante et pluraliste à la représentation tenace et violemment orientaliste des Algériennes comme un sujet monolithique.
Natasha Marie Llorens, 2020
Traduit de l’anglais par Elsa Maggion
The practice of French-Algerian artist and filmmaker Katia Kameli is based on a research approach: the historical and cultural event inspires multiple forms of her plastic and poetic imagination. She considers herself a “translator”. Translation is not simply a transition between two cultures, nor simply an act of transmission. It also operates as an extension of meanings and forms. A rewriting of stories appears within her work. She shines a light on a history, a global one made of porous boundaries and reciprocal influences, in order to open a reflexive path that generates a critical perspective on the world.
Her work has gained visibility and recognition on the international art and film scene, and has been shown at solo exhibitions: Elle a allumĂ© le vif du passĂ©, FRAC PACA, Marseille (2021), The Algerian Novel, Kalmar Konstmuseum, Kalmar (2020) ; She Rekindled the vividness of the past, Kunsthalle MĂĽnster, MĂĽnster (2019) ; Ya Rayi, Centre d’art La Passerelle, Brest (2018) ; Ă€ l’ombre de l’étoile et du croissant, CRP/ Centre rĂ©gional de la photographie des Hauts de France (2018) ; What Language Do You Speak Stranger?, The Mosaic Rooms, London (2016) …
She participated in numerous groups shows that include: Europa Oxalá, MUCEM, Marseille, Fondation Gulbenkian, Lisbonne, MusĂ©e Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (2021-2022), La Colère de Ludd, BPS22, Charleroi, Belgique (2020); Global(e) Resistance, Centre Pompidou, Paris (2020) ; A toi appartient le regard (…), Quai Branly, Paris (2020) ; Un instant avant le monde, Biennale de Rabat (2018) ; Biennale de Rennes (2018) ; Tous, des sang-mĂŞlĂ©s, Mac Val, Paris (2017) ; Made in Algeria, Mucem, Marseille (2016) ; Entry Prohibited to Foreigners, Havre Magasinet, Boden, Sweden (2015); Where we’re at, Bozar, Bruxelles (2014) ; Lubumbashi Biennale, Congo (2013) ; Dak’art, Dakar Biennale (2012; 2018);
Her work is part of the following collections : Musée national d’art moderne / Centre Georges Pompidou (Paris), CNAP, Centre National des Arts Plastiques (Paris), FRAC Hauts-de-France (Dunkerque), FRAC Poitou-Charentes (Angoulême), FRAC PACA (Marseille), BPS22 (Charleroi), FMAC, Fonds municipal d’art contemporain de la Ville de Paris, Collection départementale d’art contemporain (Seine-Saint Denis) (Var), Smith College Museum of Art, (Northampton, USA).
La pratique de Katia Kameli, artiste et réalisatrice franco-algérienne, repose sur une démarche de recherche : le fait historique et culturel alimente les formes plurielles de son imaginaire plastique et poétique. Elle se considère comme une « traductrice ». La traduction n’est pas un simple passage entre deux cultures ni un simple acte de transmission, mais fonctionne aussi comme une extension de sens et de formes. Une réécriture des récits apparaît au sein de son travail. Elle met en lumière une histoire, globale, faite de frontières poreuses et d’influences réciproques afin d’ouvrir une voie réflexive et génératrice d’un regard critique sur le monde.
Son travail a trouvĂ© une visibilitĂ© et une reconnaissance sur la scène artistique et cinĂ©matographique internationale et a Ă©tĂ© montrĂ© lors d’expositions personnelles et collectives : Elle a allumĂ© le vif du passĂ©, FRAC PACA, Marseille (2021), The Algerian Novel, Kalmar Konstmuseum, Kalmar (2020), She Rekindled the vividness of the past, Kunsthalle MĂĽnster, MĂĽnster (2019), Ya Rayi, Centre d’art La Passerelle, Brest (2018), Ă€ l’ombre de l’étoile et du croissant, Centre rĂ©gional de la photographie Hauts-de-France, Douchy-les-Mines (2018) ; Stream of Stories, chapitre 5, Biennale de Rennes (2016) ; What Language Do You Speak Stranger ?, The Mosaic Rooms, London (2016) …
Elle a Ă©galement participĂ© Ă de nombreuses expositions collectives : Europa Oxalá, MUCEM, Marseille; Fondation Gulbenkian, Lisbonne, MusĂ©e Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (2021-2022), Global(e) Resistance, Centre Pompidou, Paris (2020); A toi appartient le regard (…), Quai Branly, Paris (2020) ; Un instant avant le monde, Biennale de Rabat (2018) ; Biennale de Rennes (2018) ; Tous, des sang-mĂŞlĂ©s, Mac Val, Paris (2017) ; Made in Algeria, Mucem, Marseille (2016) ; Entry Prohibited to Foreigners, Havre Magasinet, Boden (2015); Where we’re at, Bozar, Bruxelles (2014) ; Lubumbashi Biennale, Congo (2013) ; Biennale de Dakar (2012; 2018)…
Ses oeuvres font parties des collections suivantes : Musée national d’art moderne / Centre Georges Pompidou (Paris), CNAP, Centre National des Arts Plastiques (Paris), FRAC Hauts-de-France (Dunkerque), FRAC Poitou-Charentes (Angoulême) et FRAC PACA (Marseille), BPS22 (Charleroi) FMAC, Fonds municipal d’art contemporain de la Ville de Paris, France, Smith College Museum of Art, Northampton, Etats-Unis, Collection départementale d’art contemporain de la (Seine-Saint Denis) (Var), Smith College Museum of Art, (Northampton, Etats-Unis).
Natasha Marie Llorens is a Franco-American independent curator and writer. Recent curatorial projects include Waiting for Omar Gatlato: A Survey of Contemporary Art from Algeria and Its Diaspora at the Wallach Art Gallery and The Wall at the End of the Rainbow at the Jan van Eyck Academie. Llorens also edited the first English-language anthology of writing on Algerian and Franco-Algerian aesthetics and art history, co-published by Sternberg Press. She is in residence at the Jan van Eyck Academie and a core tutor in History & Theory at Piet Zwart.
Natasha Marie Llorens est une commissaire d’exposition indépendante et une écrivaine franco-américaine. Ses projets récents incluent Waiting for Omar Gatlato: A Survey of Contemporary Art from Algeria and Its Diaspora à la Wallach Art Gallery et The Wall at the End of the Rainbow* à la Jan van Eyck Academie. Elle a également rédigé le premier ouvrage d’anthologie en anglais sur les esthétiques et l’histoire de l’art algériennes et franco-algériennes, copublié par Sternberg Press. Actuellement en résidence à la Jan van Eyck Academie, elle enseigne également l’histoire et la théorie au Piet Zwart Institute.
Les peintures de la série « L’Air de Rien » et « Surfaces » sont des évocations d’un monde fluide. Il semble que la peinture se soit solidifiée pendant un court moment avant de continuer à couler. Une peinture comme un instantané. Ensemble, ces peintures forment presque un flux de temps. Pour Robbe, la fluidité signifie liberté. Robbe ne veut pas avoir le contrôle pendant le processus de création. Il veut laisser la nature prendre son cours, laisser les choses à la dérive et d’être tout au plus un assistant. Pas un croquis précède ses peintures. Il se pose ici et maintenant en répondant à ce qui se passe, à la matière.