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Mireille Blanc

by Lillian Davies

Mireille Blanc

par Lillian Davies

For her work in photography, drawing and painting, Mireille Blanc turns her attention to a certain type of object: birthday cakes, plush fabrics, archived photographs and kitsch souvenirs. The topography of a grandmother’s house, as if seen through the eyes of the young protagonist in CĂ©line Sciamma’s Petite Maman, Blanc also captures the tiny efforts put into keeping an image alive. At the same time, the artist embraces accident and distortion, picturing the mortality of images and the passage of time. Drawing since she was a child, Blanc chose painting at Beaux Arts Nancy, and knew it was at Beaux Arts Paris she wanted to continue. She entered Philippe CognĂ©e’s studio the same year as Eva Nielsen, and the two have remained close, participating in the medium’s undeniable resurrection.

“Cakes sanctify a moment,” Blanc explains when I visit her sun-flooded studio just outside Paris. A true gourmande, for her works on canvas, she plunges into her chosen material: pure, undiluted oil paint. A postcard reproduction of Manet’s L’Asperge sits on a shelf, a work curator Jean-Charles Vergne (who gave Blanc her first monograph show at FRAC Auvergne), calls quintessentially modern. But Blanc has never painted a salty dish, preferring a sugar high pitch for her contemporary nature morte. The artist’s unctuous, small scale Chateau (2022), for example, now on display at MO.CO (featured in curator Numa Hambursin’s Immortelle) replays creamy icing and multicolor sprinkles atop three layers of chocolate baked in the shape of a castle. But it’s not just a cake Blanc sees. It’s her photograph too. The relic of a single instant, Blanc reprints, retouches and hangs it on her studio wall with two pieces of masking tape. On canvas she cuts to a ratio of dimensions that matches her source image, Blanc paints those two yellowing strips of adhesive, at the top edge of her richly colored snapshot, in a convincing trompe l’oeil. Like drops of water or splashes of oil that enter her other compositions, Blanc uses her brush to distance her work from the photographic. “It’s important to be clear this is painting.”

Toying with resemblance, Blanc uses the word “brouiller” to describe the way she works with the digital photos she takes on a simple camera phone. Translating to English as scrambled, the term begs for a gourmand metaphor of a creamy plate of eggs, which is sort of what becomes of Van Gogh’s iconic sunflowers printed on a sweatshirt and stirred with an Air Jordan printed bag strap. The source image for Blanc’s large-scale canvas Tournesols (2022), she snapped her composition waiting in line at an amusement park. It’s a compositional recipe that combines Blanc’s ongoing fascination with the Impressionist painter and her attention to the iconography of the everyday.

Another large-scale canvas Peau (2021), Blanc’s still life with laptop, is currently featured in Voir en peinture at MASC Sables d’Olonne. In this work, the artist paints the inside of a clementine skin, peeled open and rendered nearly the size of a human figure stretched out in the sun. Like her recent charcoal drawings such as Meringue (2023), Blanc’s composition is overwhelmed with light. As if illuminated by an old-fashioned flash bulb, Blanc’s paintings and drawings increasingly push at the limits of exposure, melting line and desaturating color.

Revealing the fragile myth making of family life, Blanc’s work also plunges into details of childhood photos and family albums. In Portrait (robe rouge) (2019), for example, Blanc grants as much painterly attention to the ruffled dress captured in an archived photograph as to the way the image liquifies under a reflection on the cellophane sheet. Meanwhile, the face of the woman the plastified page is meant to protect slips out of Blanc’s frame. Her painting, Album 2 (Memphis) (2018) witnesses a snapshot altogether removed from a family album. Blanc devotes her brush to the rendering of an emptied page and corner stickers once carefully pressed under a thumb.

Because if we see the human figure slipping away from view in Blanc’s work, it haunts the margins nonetheless. For Elodie au masque (2011), the artist’s starting point is a photo of her sister as a child. She paints the young girl’s blonde hair in wide strokes and names her in the title, but keeps her face hidden under a paper carnival mask, a metaphor for years gone by. As with a handful of melted wax candles on a sugary birthday cake in 5 ans (2021), Blanc zooms in close on a moment of celebration in order to show us the tragedy of time past.

Lillian Davies
24 April 2023

Dans sa pratique de la photographie, du dessin et de la peinture, Mireille Blanc se concentre sur un certain type d’objets : gĂąteaux d’anniversaire, tissus moelleux, photographies d’archives et souvenirs kitsch. La topographie d’une maison de famille, comme vue Ă  travers les yeux de la jeune protagoniste du film Petite Maman de CĂ©line Sciamma. Mireille Blanc saisit aussi les efforts infimes dĂ©ployĂ©s pour maintenir une image en vie. En mĂȘme temps, elle accueille les Ă©vĂ©nements fortuits et les distorsions tout en reprĂ©sentant le caractĂšre pĂ©rissable des images et le passage du temps. L’artiste, qui dessine depuis son enfance, a choisi l’atelier peinture aux Beaux-Arts de Nancy, et savait que c’était aux Beaux-Arts de Paris qu’elle voulait poursuivre ses Ă©tudes. Elle a intĂ©grĂ© l’atelier de peinture de Philippe CognĂ©e la mĂȘme annĂ©e qu’Eva Nielsen. Toutes deux sont restĂ©es des amies proches et participent aujourd’hui Ă  l’indĂ©niable rĂ©surrection de ce mĂ©dium.

« Les gĂąteaux sacralisent un moment Â», m’explique Mireille Blanc tandis que je visite son atelier inondĂ© de soleil situĂ© dans la proche banlieue de Paris. Pour rĂ©aliser ses Ɠuvres sur toile, elle s’immerge avec gourmandise dans son matĂ©riau de prĂ©dilection : la peinture Ă  l’huile pure, non diluĂ©e. Sur une Ă©tagĂšre figure une reproduction sur carte postale de L’Asperge d’Édouard Manet, une Ɠuvre que le commissaire d’expositions Jean-Charles Vergne (qui a permis Ă  Mireille Blanc de prĂ©senter sa premiĂšre exposition monographique au FRAC Auvergne) qualifie de « rĂ©solument moderne Â». Pourtant, Mireille Blanc n’a jamais peint un plat salĂ©, prĂ©fĂ©rant des mets Ă  haute teneur en sucre pour ses natures mortes contemporaines. Son onctueux ChĂąteau (2022), par exemple – une Ɠuvre petit format exposĂ©e actuellement au MO.CO dans le cadre de l’exposition « Immortelle Â» organisĂ©e par le commissaire Numa Hambursin –, reproduit un gĂąteau au chocolat en forme de chĂąteau composĂ© de trois couches de crĂšme recouvertes d’un glaçage et de vermicelles multicolores. Mireille Blanc ne nous montre pas seulement le gĂąteau. Elle nous montre aussi sa photographie, vestige d’un instant unique. Elle la rĂ©imprime, la retouche et l’accroche au mur de son atelier avec deux morceaux de scotch. Sur une toile qu’elle a dĂ©coupĂ©e dans le mĂȘme format que l’image-source, elle a peint ces deux bandes d’adhĂ©sif jaunĂątre collĂ©es sur la bordure supĂ©rieure de la photo aux couleurs saturĂ©es, introduisant un effet de trompe-l’Ɠil convaincant. Comme les gouttes d’eau ou les Ă©claboussures d’huile qui participent Ă  ses autres compositions, Mireille Blanc se sert de son pinceau pour Ă©tablir une distance entre l’Ɠuvre et l’image photographique. « Il est important de signifier clairement qu’il s’agit d’une peinture. Â»

En jouant avec les apparences, Mireille Blanc parle de « brouiller Â» nos repĂšres pour dĂ©crire la façon dont elle travaille avec les photos numĂ©riques qu’elle prend avec un simple tĂ©lĂ©phone portable. Ce mot se prĂȘte Ă  la mĂ©taphore gourmande d’une assiette crĂ©meuse d’Ɠufs brouillĂ©s et peut Ă©galement s’appliquer aux tournesols iconiques de Van Gogh imprimĂ©s sur un sweat-shirt, sur lesquels elle juxtapose la bandouliĂšre d’un sac oĂč est imprimĂ© le logo de la marque Air Jordan. Mireille Blanc a photographiĂ© l’image-source de ce tableau grand format – Tournesols (2022) – alors qu’elle faisait la queue dans un parc d’attractions. Cette approche lui permet, en termes de composition, de conjuguer sa fascination permanente pour le peintre impressionniste et son attention au rĂ©pertoire visuel du quotidien.

Une autre toile grand format intitulĂ©e Peau (2021), une nature morte sur laquelle elle a peint le clavier de son ordinateur portable, figure actuellement dans l’exposition Voir en peinture prĂ©sentĂ©e au MASC des Sables d’Olonne. Dans cette Ɠuvre, l’artiste a peint l’intĂ©rieur d’une Ă©pluchure de clĂ©mentine, reproduite pratiquement aux dimensions d’une figure humaine se prĂ©lassant au soleil. À l’instar de ses rĂ©cents dessins au fusain tels que Meringue (2023), cette composition est inondĂ©e de lumiĂšre. Comme s’ils Ă©taient Ă©clairĂ©s par un flash Ă  l’ancienne, les peintures et les dessins de Mireille Blanc repoussent toujours davantage les limites de l’exposition Ă  la lumiĂšre, ce qui a pour effet de brouiller les lignes et d’attĂ©nuer les couleurs par un effet de dĂ©saturation.

RĂ©vĂ©lant les mythologies fragiles sur lesquelles se fonde la vie familiale, l’Ɠuvre de Mireille Blanc se confronte Ă©galement Ă  des dĂ©tails tirĂ©s de photos d’enfance et d’albums de famille. Dans Portrait (robe rouge) (2019), par exemple, l’artiste accorde autant d’attention, dans sa composition picturale, Ă  la robe Ă  volants immortalisĂ©e sur une photographie d’archives qu’à la façon dont l’image se dilue dans le reflet qui illumine la feuille de cellophane protĂ©geant la photo. En mĂȘme temps, le visage de la femme que la page plastifiĂ©e est censĂ©e protĂ©ger semble s’échapper du cadre. Le tableau intitulĂ© Album 2 (Memphis) (2018) tĂ©moigne de l’absence d’un instantanĂ© retirĂ© d’un album de famille. Mireille Blanc s’attache Ă  rendre, avec son pinceau, la page vide sur laquelle ne subsistent plus que les coins transparents qui ont Ă©tĂ© autrefois mĂ©ticuleusement collĂ©s sur l’album Ă  l’aide d’une lĂ©gĂšre pression du pouce.

Car si, dans l’Ɠuvre de Mireille Blanc, la figure humaine se dĂ©robe Ă  la vue, elle n’en hante pas moins les marges. Dans Élodie au masque (2011), l’artiste a pris pour point de dĂ©part une photographie de sa sƓur enfant. Elle a peint les cheveux blonds de la fillette Ă  grands traits et la nomme dans le titre, mais son visage demeure cachĂ© sous un masque de carnaval en papier, mĂ©taphore des annĂ©es Ă©coulĂ©es. Comme avec la poignĂ©e de bougies de cire fondues sur un gĂąteau d’anniversaire sucrĂ© qu’elle reprĂ©sente dans 5 ans (2021), Mireille Blanc zoome sur un moment de fĂȘte pour mieux nous montrer la tragĂ©die du temps qui passe.

Lillian Davies
24 avril 2023

Mireille Blanc, Tournesols, 2022, huile et spray sur toile, 200 x 135 cm / Courtesy l’artiste et The Pill gallery / photo : Mireille Blanc, @Mireille Blanc, ADAGP, 2023

Mireille Blanc, Tournesols, 2022, huile et spray sur toile, 200 x 135 cm / Courtesy l’artiste et The Pill gallery / photo : Mireille Blanc, @Mireille Blanc, ADAGP, 2023

Mireille Blanc
Mireille Blanc

Born in 1985, Mireille Blanc studied at the Beaux-arts de Paris, from which she graduated in 2009, and at the Slade School of Fine Arts in London (2007).
Mireille Blanc develops a work of painting, involving different mediums (photography, drawing).
She is represented by The Pill gallery (Istanbul), and Anne-Sarah BĂ©nichou (Paris).
Her work has recently been shown in solo exhibitions at Anne-Sarah BĂ©nichou Gallery (Paris, 2020), The Pill Gallery (Istanbul, 2019), FRAC Auvergne (Clermont-Ferrand, 2018), and in group exhibitions at MO.CO La PanacĂ©e (Montpellier, 2023), Beaux-Arts de Paris (2023), MASC - musĂ©e d’Art moderne & contemporain (Les Sables d’Olonne, 2023), Centre d’Art ‘A cent mĂštres du centre du monde’ (Perpignan, 2021), Galerie Praz-Delavallade (Paris, 2020), MusĂ©e Rolin (Autun, 2020), Lieu Unique (Nantes, 2019), Kunstwerk CarlhĂŒtte (Hamburg, 2019), MusĂ©e Crozatier (Le Puy-en-Velay, 2018), MusĂ©e des Beaux-arts de Dole (2017).
Mireille Blanc won the ‘Prix Verdaguer’ (AcadĂ©mie des Beaux-arts, 2021) and the ‘Prix international de peinture Novembre Ă  Vitry’ (2016).

Née en 1985, Mireille Blanc a étudié aux Beaux-arts de Paris, dont elle est diplÎmée en 2009, et à la Slade School of Fine Arts de Londres (2007).
Mireille Blanc développe un travail de peinture, faisant appel à différents médiums (photographie, dessin).
Elle est représentée par la galerie The Pill (Istanbul), et Anne-Sarah Bénichou (Paris).
Son travail a rĂ©cemment fait l’objet d’expositions personnelles Ă  la galerie Anne-Sarah BĂ©nichou (Paris, 2020), Ă  la galerie The Pill (Istanbul, 2019), au FRAC Auvergne (Clermont-Ferrand, 2018), et d’expositions collectives Ă  MO. CO La PanacĂ©e (Montpellier, 2023), Beaux-Arts de Paris (2023), MASC - musĂ©e d’Art moderne & contemporain (Les Sables d’Olonne, 2023), Centre d’Art ” A cent mĂštres du centre du monde ” (Perpignan, 2021), Galerie Praz-Delavallade (Paris, 2020), MusĂ©e Rolin (Autun, 2020), Lieu Unique (Nantes, 2019), Kunstwerk CarlhĂŒtte (Hambourg, 2019), MusĂ©e Crozatier (Le Puy-en-Velay, 2018), MusĂ©e des Beaux-arts de Dole (2017).
Mireille Blanc est lauréate du Prix Verdaguer (Académie des Beaux-arts, 2021) et du Prix international de peinture Novembre à Vitry (2016).

Lillian Davies
Lillian Davies

Art historian and critic, Lillian Davies lives and writes in Paris. Former faculty member at Parsons Paris and Paris College of Art, author of mounir fatmi’s first monograph, copublished by Skira and Flammarion, she is a regular contributor to Artforum, and has authored texts for books and catalogues published by Phaidon, JRP Editions, MusĂ©e d’art contemporain, Lyon and Museu Es Baluard, Palma.

Historienne et critique d’art, Lillian Davies vit et Ă©crit Ă  Paris. Ancienne membre du corps enseignant de Parsons Paris et au Paris College of Art, auteur de la premiĂšre monographie de mounir fatmi, coĂ©ditĂ©e par Skira et Flammarion, elle collabore rĂ©guliĂšrement Ă  Artforum et a rĂ©digĂ© de nombreux textes pour des livres et des catalogues publiĂ©s par Phaidon, JRP Editions, le MusĂ©e d’art contemporain de Lyon et le Museu Es Baluard, Palma.

La beautĂ© est toujours offerte au-delĂ  de ce qui est bon ou vrai. IndĂ©pendamment de ses explications. Certaines personnes que j’aime se mĂ©fient constamment des belles choses, surtout dans le domaine de l’art contemporain, comme si elles Ă©taient trompĂ©es. Elles ont raison, comme me le rappelle un nouveau regard sur l’art brillamment tentant de ValĂ©rie Belin, on ne peut jamais soustraire le mensonge de la beautĂ©. Cette leçon candide s’impose si doucement que, en regardant ses mannequins parfaits qui vous regardent, ou en les confondant avec ses China Girls, vous voulez croire que quelque chose parmi tous ces sosies Ă©tranges ou ces culturistes Ă©trangement brillants, ces cristaux et ces bouquets est rĂ©el, dep eur que la prĂ©tendue minceur de la beautĂ© ne vous laisse trop epu de choses auxquelles vous accrocher. Mais ValĂ©rie m’a appris (comme Oscar Wilde ou Claude Cahun) que certains mensons ne sont pas faux du tout, que certains masques sont tout ce que nous portons. Il suffit de regarder ses phptographies assez longtemps, et ne pas clignez les yeux.

Valérie Belin, Noam Gal