I wonder if Eva Nielsen’s paintings aren’t about making nature. I don’t mean anything too religious here. Making nature is not about god or gods being busy creating everything there is. Neither do I mean any romanticism: no awe from the typical environmental beauty is present in her works. The “making nature” expression I use is Leonard Koren vernacular for the hard activity of letting nature happen when it comes to building and designing. Koren says we should think of overgrown weeds in Japanese temples for example. We can’t control them, hence we should accept them. Architecture gives in, nature comes up. What Koren calls the bona fide natural landscape can hardly be improved upon. Yet believing that building is no struggle doesn’t seem so easy. Harmony is more than resignation.
I suspect that Eva Nielsen depicts this issue. Her landscapes are torn, contrasted. She often breaks a natural environment withfabricated objects. She blends the artificial with the living. She mentions the beautiful Portrait of Space by Lee Miller as one of her references. It is a 1937 photograph whose title is oxymoronic as much as the picture itself, being about a natural landscape and our own presence in it at the same time: the vast desert is seen through a gaping hole in a fly screen. The barrier between us and nature is broken and we are afraid and excited at once. I am reminded of Nielsen’s Hard Sun where an uncanny element of concrete (the very symbol of construction?) barely lets a beach view slip in through its holes. It comes with no surprise that she likes city limits.
Lastly, I want to ask what is the place of Eva Nielsen’s painting technique? The mix of built and organic comes forward first as the mix between print and paint, blending acrylic, oil and silkscreened photography. This seems too evident though. I learn that techniques exist as a single layer on her canvases, a collage. Fragments from a debate on making nature are patched together. There is again a movement away from the simplicity of replicating what’s out there in the space of a painting. Her pictures are no representation of familiar places or sublime sensations. Her techniques are no instrument for mimesis, and here is where making nature comes in. She says that landscapes always have scars; sometimes they are found, sometimes we cause them.
Piero Bisello, 2020
Je me demande si les peintures d’Eva Nielsen ne porteraient pas sur la nature créatrice. Il ne faut pas y voir de notion trop religieuse ici. Ce concept n’a rien à voir avec la création de tout ce qui existe par un ou des dieux. Je ne parle pas non plus de romantisme : ses travaux ne suscitent guère l’admiration que l’on peut éprouver devant la beauté classique de l’environnement. L’expression nature créatrice que j’utilise me vient du jargon employé par Leonard Koren pour désigner la difficile activité consistant à laisser faire la nature en termes de construction et de conception. Selon lui, nous devrions penser, par exemple, aux mauvaises herbes qui poussent dans les temples japonais. Faute de pouvoir les contrôler, nous devons les accepter. L’architecture s’efface au profit de la nature. Ce que Leonard Koren appelle « l’authentique paysage naturel » ne peut être que difficilement amélioré. Il ne semble pourtant pas si simple d’imaginer que la construction n’a rien d’une lutte. L’harmonie dépasse le cadre de la résignation.
C’est là un problème qu’Eva Nielsen semble, selon moi, dépeindre dans son œuvre. Ses paysages se veulent déchirés, contrastés. Elle rompt le caractère naturel d’un environnement avec des objets fabriqués par l’être humain. Elle mélange l’artificiel et le vivant. Cette artiste mentionne, entre autres références, le ravissant Portrait of Space de Lee Miller. Il s’agit d’une photo prise en 1937 qui relève de l’oxymore, tout comme son titre. Elle montre à la fois un paysage naturel et notre propre présence dans ce dernier : on perçoit l’immense désert à travers l’énorme trou d’une moustiquaire. La barrière qui nous sépare de la nature se brise et un tourbillon de peur mêlée d’enthousiasme nous embarque. Ceci me rappelle Hard Sun de cette même artiste, où un mystérieux élément en béton (symbole ultime de la construction ?) offre une vue restreinte sur la mer à travers ses trous. Il n’est donc pas surprenant qu’elle affectionne les limites de la ville.
Pour finir, je m’interroge sur la place qu’occupe la technique de peinture d’Eva Nielsen. Le mélange de l’artificiel et du naturel se présente d’abord sous forme d’une association d’impression et de peinture, qui combine l’acrylique avec l’huile et la sérigraphie. Ce constat semble toutefois trop évident. Je découvre qu’elle utilise aussi des techniques consistant à placer une seule couche sur ses toiles, un collage. Des fragments tirés d’un débat sur la nature créatrice sont ainsi assemblés. On s’éloigne à nouveau de la simplicité du processus de réplication de ce qui existe dans l’espace d’une peinture. Ses tableaux ne représentent en rien des endroits familiers ni ne suscitent des sensations sublimes. Ses techniques ne sont en rien des instruments au service de la mimèsis. C’est à ce niveau que la nature créatrice intervient. L’artiste affirme que les paysages présentent toujours des cicatrices, tantôt formées naturellement et tantôt façonnées par la main humaine.
Piero Bisello, 2020
Traduit de l’anglais par ADT International
Born in 1983, Eva Nielsen received his MA from the School of Beaux-Arts in Paris in 2009 and a bursary to study in Central Saint Martins (2008). Her work has been exhibited at public institutions including Mac/Val, France ; MMOMA, Moscow ; Plataforma Revolver, Portugal ; Perm Museum, Russia ; Kunsthal Charlottenborg, Denmark ; Palais Pisztory, Bratislava. Gallery exhibitions include Dominique Fiat, Paris ; The Pill, Istanbul ; Jousse Gallery, Paris ; Selma Feriani, London. Nielsen was the 2009 recipient of the Prix des Amis des Beaux-Arts Prize and in 2014 of the Art Collector Prize. His work has been reviewed in Frieze, Artforum, Telerama, Art Press, Kunstbeeld, Le Monde and Time Out. Her work is featured in numerous public and private collections including the Mac/Val, Museum of Rochechouart, Beaux-arts of Paris, The Fiminco Fondation. In 2021, Eva Nielsen was the laureate of the LVMH MĂ©tiers d’Arts prize.
NĂ©e en 1983, Eva Nielsen vit et travaille Ă Paris.Â
Après une maĂ®trise d’Histoire et de Lettres Modernes, elle est diplĂ´mĂ©e en 2009 des Beaux Arts de Paris. LaurĂ©ate en 2008 d’une bourse Socrate qui lui permet d’étudier Ă Central Saint Martins à Londres, elle remporte le Prix des Amis des Beaux-Arts/Thaddaeus Ropac (2009), le Prix Art Collector (2014), le Grand Prix de la Tapisserie d’Aubusson (2017), et a participĂ© depuis Ă plusieurs expositions collectives en France et Ă l’Ă©tranger : MAC/VAL, MMOMA (Moscou), CCCOD (Tours), MusĂ©e de Rochechouart, Plataforma Revolver (Lisbonne), LACE (Los Angeles), Babel Art Space (Trondheim), Kunsthal Charlottenborg (Copenhague), Plymouth University…
Son travail a Ă©tĂ© Ă©galement prĂ©sentĂ© lors d’expositions monographiques, Ă Paris (Galerie Jousse Entreprise), Istanbul (The Pill), Tunis et Londres (Selma Feriani) et fait partie de plusieurs collections publiques et privĂ©es (Mac/Val, FMAC, MusĂ©e de Rochechouart, CNAP). Elle est la laurĂ©ate 2021 de la rĂ©sidence LVMH MĂ©tiers d’Arts.
Piero Bisello is a Brussels-based art writer and an editor at Conceptual Fine Arts. His last book A Few Homers was recently published by Brussels-based press Surfaces Utiles.
Basé à Bruxelles, Piero Bisello est critique d’art et rédacteur chez Conceptual Fine Arts. Son dernier livre A Few Homers a été publié récemment par Surfaces Utiles (Bruxelles).
A ses retours de voyage, Olivier Masmonteil se presse à son atelier pour y peindre ses impressions, directement sur la toile brute. Dans une urgence, de celle que connaissent les peintres face à la peinture qui n’est pas encore sèche, l’artiste peint des sensations fugaces avant qu’elles ne s’échappent de sa mémoire. Il peint des paysages génériques, des sensations plutôt que des impressions, des textures plutôt que des formes. Ces sensations se mêlent les unes aux autres, à l’égal de souvenirs qui s’entremêlent dans une mémoire capricieuse. Ces toiles sont instinctives, libres, et laissent une impression forte. Ce sont les titres qui révèlent leur provenance, laissant la liberté à l’artiste de nous révéler ce qui a laissé une pigmentation forte dans sa mémoire de poète. Au lieu de peindre d’après copie, il peint d’après souvenir, dans un feu sans artifice, produisant ainsi des visions chimériques, des paysages de rêves, des sensations qui bientôt ne seront plus.