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Laurent Le Deunff

by Isabella Vitale

Laurent Le Deunff

par Isabella Vitale

« Les animaux ne sont pas autre chose que les figures de nos vertus et de nos vices, errantes devant nos yeux, les fantômes visibles de nos âmes. Â» (Victor Hugo, Les Misérables, 1862)

I start with this sentence by Hugo because, during my studio visit to Laurent Le Deunff, I was deeply impressed by the prolific presence of zoomorphic sculptures he created and his fascinating statement: “I never feel alone while working. Ghosts surround me.” Laurent Le Deunff welcomed me into his studio as an excellent host would in his living room, with the naturalness, kindness, and awareness of someone who is at ease and knows they have something valuable and unique to offer: knowledge and time. The same elements permeate his creations, spanning from sculptures to drawings—complementary practices that have always accompanied his artistic exploration and which he uses wisely, distinguishing one from the other. His means and inspiration are diverse but combined by profound consistency, as anything is considered helpful for creating a piece. His sculptures, made from wood, concrete, paper, bone, hair, and teeth, give voice to this vision. He transforms these materials into new entities, providing them with new life and avenues for function and appreciation.
Presuming to clearly understand what meets the eye is not contemplated in Laurent Le Deunff’s practice; here, tactile engagement is essential. I found myself compelled to run my fingers across the surfaces of his rocaille technique concrete sculptures. I was skeptical of my touch and gaze and more inclined to believe in divine intervention capable of transmuting the elements of the artwork. The closer I approached, the more astonished I became by the meticulous concrete craftsmanship, reproducing every detail—fissure, chip, crack, gap, woodworm, or irregularity—that may be in wood or other materials, adding and patiently subtracting matter.
His wooden sculptures, often hewn from a single block, give rise to series like Totem or Cadavres exquis, presenting unexpected combinations that beckon the spectator to see more. His works are inspired by eidetic images, as are the figures of animals carved in ancient times representing mythical creatures, with or without anthropomorphic characteristics, such as winged horses, Etruscan chimeras, Roman wolves, sphinxes, mermaids, centaurs, harpies, etc. In all his sculptures, we can fully perceive the wood quality that, once crafted, turns that figure into an eidola or simulacra to offer to the gods, just like in ancient Greece. Alternatively, in the Physiologus, a bestiary dating back to the second - third century A.D., there were symbolic descriptions of animals, plants, and stones presented as allegories, with references to the metaphysical sphere. It would seem to be a description of the works created by Laurent Le Dneff. In other words, he could have been the illustrator of the medieval version of Physiologus that was so successfully spread due to the tiny and detailed images contained in it. Thanks to his technical virtuosity and a small amount of healthy madness, he could have reproduced the figures in 3D. Considering some of his exhibitions, including The Mystery of Sculpting Cats (Semiose, Paris, 2021), sculptures representing fantastic characters and objects of surrealist memory populate the show together with portraits of cats meticulously made in pencil, specifically Grelot, the one who saw in Laurent his ideal human companion (and vice versa), endowed with apotropaic powers like all respectable felines.
Often, the exhibitions of Laurent Le Deunff present an immersive intervention in which the space is both scenery and work, as in the case of the surprising My Prehistoric Past (Mrac Occitanie, Sérignan, 2021). The display area was a cave adorned with stalactites, faithfully reproduced by the artist with excellent executive and creative virtuosity that has always drawn his most significant experience and inspiration in the natural world as a scientist-alchemist searching for the philosopher’s stone.
In both his studio and exhibitions, Laurent Le Deunff invites us into his wunderkammer, where naturalia, artificialia, and mirabilia converge, offering a glimpse into a transcendental idealism reminiscent of Kant, disclosing the vision of his works realized “in his imagination and likeness.”

Translation from Italian by Emanuele Carlenzi

« Les animaux ne sont pas autre chose que les figures de nos vertus et de nos vices, errantes devant nos yeux, les fantômes visibles de nos âmes. Â» (Victor Hugo, Les Misérables, 1862)

Je commence par cette phrase de Victor Hugo, car pendant ma visite à l’atelier de Laurent Le Deunff, j’ai été très impressionnée par l’abondance des sculptures zoomorphes qu’il a réalisées, ainsi que par son affirmation fascinante : « Je ne me sens jamais seul lorsque je travaille. Je suis entouré de fantômes. Â» Laurent Le Deunff m’accueille dans son atelier comme un très bon hôte dans son salon, avec le naturel, la gentillesse et la conscience de celui qui est à l’aise et qui sait qu’il a quelque chose de bon et d’unique à offrir : ses connaissances et son temps. Il utilise ces deux éléments pour réaliser ses Å“uvres, des sculptures aux dessins, des pratiques complémentaires qui ont toujours accompagné sa recherche artistique et qu’il utilise savamment et distinctement l’une de l’autre. Ses outils de travail et d’inspiration sont les plus divers, mais ils sont unis par la profonde cohérence que tout peut être utile à la création d’une Å“uvre. Il le démontre à travers ses sculptures en bois, en béton, en papier, en os, en cheveux, en dents ; autant de matériaux qu’il transforme en quelque chose d’autre, leur donnant une nouvelle vie, de nouvelles possibilités de fonction et d’utilisation.
Regarder quelque chose en pensant savoir exactement ce que l’on regarde n’est pas concevable dans le travail de Laurent Le Deunff : il faut toucher pour croire. Je me retrouve donc à demander la permission de palper chaque surface de ses sculptures réalisées en béton selon la technique rocaille, incrédule à mon toucher comme à mon regard et plus encline à croire en une intercession divine qui lui aurait donné la capacité de transmuter les éléments. Plus je me rapproche, plus je suis surprise du travail méticuleux qu’il a effectué avec le béton en reproduisant chaque fissure, chaque éclat, chaque crevasse, chaque interstice, chaque trou ou irrégularité qui peut exister dans le bois ou dans un autre matériau imité, en ajoutant et en retirant patiemment de la matière.
Ses sculptures en bois sont souvent réalisées dans un seul bloc à partir duquel prend forme sa série de Totems ou de cadavres exquis, des combinaisons inattendues qui donnent envie d’en voir d’autres. Ses Å“uvres s’inspirent d’images eidétiques, comme les figures d’animaux sculptés dans l’Antiquité représentant des êtres fantastiques avec ou sans caractéristiques anthropomorphiques, comme les chevaux ailés, les chimères étrusques, les louves romaines, les sphinx, les sirènes, les centaures, les harpies, etc. Dans toutes ses sculptures, on perçoit pleinement la qualité matérielle du bois qui, prise en compte, suggère son travail de sculpteur jusqu’à ce qu’il obtienne la figure déterminée : une eidola ou un simulacre à offrir aux dieux, comme c’était le cas dans la Grèce antique. Ou encore dans le Physiologus, un bestiaire datant du IIe au IIIe siècle après J.-C. qui contenait des descriptions symboliques d’animaux, de plantes et de pierres présentées dans un registre allégorique, avec des références à la sphère métaphysique : cela ressemble parfaitement à la description des Å“uvres réalisées par Laurent Le Deunff. Non seulement il aurait pu illustrer la version médiévale du Physiologus qui avait connu un grand succès grâce à ses images minuscules et détaillées, mais avec sa virtuosité technique alliée à un brin de folie saine, il aurait certainement pu reproduire les figures en trois dimensions. Il suffit de regarder certaines de ses expositions, dont The Mystery of Sculpting Cats (Semiose, Paris, 2021), où des sculptures représentant des êtres et des objets fantastiques aux connotations surréalistes peuplent les salles d’exposition, surveillées par des portraits au crayon minutieusement réalisés représentant un chat, plus précisément Grelot, qui voyait en Laurent son compagnon humain idéal (et inversement), doté de pouvoirs apotropaïques comme tout bon félin qui se respecte.
Souvent, les expositions de Laurent Le Deunff présentent une intervention immersive où l’espace d’exposition est à la fois scénique et œuvre, comme dans le cas de l’étonnante My Prehistoric Past (Mrac Occitanie, Sérignan, 2021), une grotte enrichie de stalactites, fidèlement reproduite par l’artiste grâce à sa grande virtuosité d’exécution et de création qui tire depuis toujours la majorité de son expérience et de son inspiration du monde naturel, comme un scientifique-alchimiste à la recherche de la pierre philosophale.
Ainsi, dans son atelier, comme dans ses expositions, Laurent Le Deunff nous permet d’entrer dans sa wunderkammer, où naturalia, artificialia et mirabilia alliées au bénéfice du doute dicté par un idéalisme transcendantal de nature Kantienne, nous offrent la vision de ses Å“uvres réalisées « Ã  son imagination et à sa ressemblance Â».

Tête d’ours, 2020. Concrete, 68 7/8 × 29 1/8 × 28 3/8 inches, © Adagp, Paris, 2024
Photo : Aurélien Mole, Courtesy Semiose, Paris.

Tête d’ours, 2020. Concrete, 68 7/8 × 29 1/8 × 28 3/8 inches, © Adagp, Paris, 2024
Photo : Aurélien Mole, Courtesy Semiose, Paris.

Laurent Le Deunff
Laurent Le Deunff

Laurent Le Deunff’s sculptures often mislead the eye due to the disparity between the materials used and the objects represented. He has a pronounced taste for traditional techniques from the world of arts and crafts as well as decorative artifices. The modesty of papier-mâché and fingernail clippings rubs shoulders with the nobility of bronze and deer antlers, and the rarity of fossilized dinosaur droppings sits side-by-side with the ordinariness of fake wood made from cement. Le Deunff’s meticulousness and acute sense of observation have also been deployed in his series of drawings—copulating animals, the footprints of imaginary monsters or artist’s cats—through which he explores animality, in a narrative that leaves plenty of space for the imagination. His bestiary brings together a wide variety of creatures—dolphins, slugs, moles seahorses and bears—without any hint of hierarchy of species. Humans are not excluded from the narrative, which reactivates a kind of archetypal primitivism: a prehistoric phallus and various totems and talismans transport civilization back to its most splendid origins.
His works have been subject to exhibitions at La Halle des Bouchers, Vienne (FR), at Carré Scène nationale, Château-Gontier (FR), at Frac ÃŽle-de-France, Paris (FR), at Frac Normandie Caen (FR), at MOCO, Montpellier (FR), at Frac Poitou-Charentes, Angoulême (FR), at FRAC Nouvelle Aquitaine MÉCA, Bordeaux (FR), at MRAC Occitanie, Sérignan (FR) and at Musée d’Art Moderne Paris (FR). Laurent Le Deunff’s work is held in the collections of the Musée d’Art Moderne de Paris (FR), MRAC Occitanie, Sérignan (FR), CAPC, Bordeaux (FR), Frac ÃŽle-de-France, Paris (FR), Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux (FR), Frac-Artothèque Nouvelle Aquitaine, Limoges (FR) and Frac Normandie Caen (FR).

Les sculptures de Laurent Le Deunff trompent l’œil par l’écart entre les matériaux et l’objet représenté, avec un goût prononcé pour les techniques populaires issues des arts & crafts et les artifices de décor. La modestie du papier mâché et des ongles cohabitent avec la noblesse du bronze et du bois de cerf, la rareté des coprolithes de dinosaures avec le prosaïsme de la rocaille de ciment. La méticulosité et le sens de l’observation de Le Deunff s’exercent aussi dans des séries de dessins – coïts d’animaux, relevés d’empreintes de monstres imaginaires ou chats d’artistes – dans lesquelles il explore l’animalité dans un récit ouvert à l’imagination. Dauphins, limaces, taupes, hippocampes ou ours, son bestiaire réunit nombre de créatures, sans hiérarchie de règne. L’humain n’est pas exclu de l’histoire, une forme de primitivité archétypale est réactivée : phallus préhistorique, totems, gris-gris ramènent la civilisation à ses plus belles origines.

Les Å“uvres de Laurent Le Deunff ont récemment fait l’objet d’expositions à La Halle des Bouchers, Centre d’art contemporain, Vienne (FR), au Carré Scène nationale, Centre d’art contemporain, Château-Gontier (FR), au Centre d’art contemporain de Pontmain (FR), au Frac ÃŽle-de-France, Paris (FR), au Frac Normandie Caen (FR), à la Fondation Villa Datris, Isle-sur-la-Sorgue (FR), au MOCO, Montpellier (FR), au Frac Poitou-Charentes, Angoulême (FR), au FRAC Nouvelle Aquitaine MÉCA, Bordeaux (FR), au MRAC Occitanie, Sérignan (FR) et au Musée d’Art Moderne Paris (FR). Ses Å“uvres figurent parmi les collections du Musée d’Art Moderne de Paris (FR), du MRAC Occitanie, Sérignan (FR), du CAPC, Bordeaux (FR), du Frac ÃŽle-de-France, Paris (FR), du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux (FR), du Frac-Artothèque Nouvelle Aquitaine, Limoges (FR) et du Frac Normandie Caen (FR).

Isabella Vitale
Isabella Vitale

Isabella Vitale is a contemporary art historian and independent curator. She trained between Paris and Rome, her hometown, maintaining a bridge between France and Italy through collaborations with both Italian and foreign artists and institutions including: Palazzo Poli – Central Institute for Graphics, Photography Rome International Festival - Tadem Paris/Rome , Institut français Italie, French Academy in Rome - Villa Medici, MACRO - Museum of Contemporary Art of Rome, Académie des Beaux Arts de Paris, Academy of Fine Arts of Rome, La Sapienza University of Rome, GAM Museum - Roma Capitale, Hertziana Library – Max Planck Institute for Art History.

His dual artistic training, both practical and theoretical, exactly reflects the identity of pianobi: a project dedicated to the promotion of contemporary art that she founded in June 2021, through residencies, workshops, exhibitions, meetings and debates aimed at in-depth and reflection on art. As artistic director of pianobi and curator, in 2022 she was selected by the Institut français Italie and invited to Paris by the Institut français of Paris for the Focus Arts Visuels week.

In May 2023 she was invited as curator by the French Embassy in Rome to conceive and curate the second outdoor pianobi project: performances created in the halls of Palazzo Farnese by eight Italian and French artists selected by her.

Several art magazines have written about the events curated by Isabella Vitale, including: Arte&Critica, Artribune, Espoarte, Exibart, Juliet, Insideart, Il Segno, Beaux Arts Magazine, ATP Diary.

Before giving life to her project pianobi, she has worked and still works as an independent curator, organizer of events dedicated to contemporary art and writing texts for exhibitions and catalogs on the artists with whom you collaborate.

www.pianobi.info

Isabella Vitale est historienne de l’art contemporain et commissaire indépendante, elle vit et travaille à Rome. Elle s’est formée entre Paris et Rome, sa ville natale, entretenant un pont entre la France et l’Italie à travers des collaborations avec des artistes et des institutions italiennes et étrangères parmi lesquelles : Palazzo Poli – Institut Central du Graphique, Photographie Festival International de Rome - Tadem Paris/Rome, Institut français Italie , Académie de France à Rome - Villa Médicis, MACRO - Musée d’Art Contemporain de Rome, Académie des Beaux Arts de Paris, Académie des Beaux-Arts de Rome, Université La Sapienza de Rome, Musée GAM - Roma Capitale, Bibliothèque Hertziana – Institut Max Planck pour l’histoire de l’art, Ambassade de France en Italie, École française de Rome, Ambassade de France près le Saint Siège, la ville de Lille - Direction des Arts Visuels.

En juin 2021 elle a fondé pianobi, un projet dédié à la promotion de l’art contemporain à travers des expositions, des rencontres et des débats visant à approfondir et à réfléchir sur la pratique et la théorie de l’art. Son projet inclut un programme de résidences pour artistes et curateurs de toute nationalité et tout âge qu’elle accueille et accompagne personnellement dans leur recherche artistique. En tant que directrice artistique de pianobi, elle est sélectionnée en 2022 par l’Institut français Italie et invitée à Paris par l’Institut français de Paris pour la semaine du Focus Arts Visuels.

En mai 2023, elle a été invitée en tant que commissaire par l’Ambassade de France à Rome pour concevoir et organiser le deuxième projet outdoor de pianobi : des performances créées dans les salles du Palais Farnèse par huit artistes Italien.nes et Français.es sélectionné.es par elle.
Plusieurs magazines d’art ont écrit sur les événementsorganisés par Isabella Vitale, notamment : Arte&Critica, Artribune, Espoarte, Exibart, Juliette, Insideart, Il Segno, BeauxArts Magazine, ATP Diary.

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Marie Maillard s’appuie sur des formes et des motifs existants, elle doute de la perception et questionne la réalité, trouve le jeu entre présence et absence intrigant et recherche des moyens contemporains de produire et de diffuser l’art. Marie Maillard s’intéresse également à l’essence de la matière et aux matériaux du futur, elle anticipe des technologies futures qui permettraient des transformations de la matière en modifiant leur structure moléculaire. De cette façon, le marbre, le bois, la pierre ou le métal pourraient devenir transparents voire liquides et la branche pourrait se transformer en matière inorganique telle que le verre ou l’eau (‘TWIG 1808‘, 2018).

Marie Maillard, Nanda Janssen