Maude Maris’s multi-step creative process begins at the flea market or antique shop, where she sources small treasures like animal figurines, sea shells and other eclectic baubles. She uses these objects to create molds for plaster casts, which she later tints with various inks. She then arranges the resulting multi-colored statuettes into three-dimensional compositions—rotating, inverting and reflecting one or more casts and until they barely resemble the objects on which they are based—and snaps a photo. Finally, looking at these photographs, she paints.
The finished paintings are intensely, but pleasantly disorienting, due to the fact that Maris uses a hyper-realistic style to depict unrecognizable subjects. While we are impressed by her masterful representations of reflections, depth, volume and texture, we remain perplexed by what, precisely, we are looking at. Fossils, gem stones, architectural ruins or perhaps body parts? Even to a viewer who is aware that Maris’s paintings are the final stage of a multi-step physical and conceptual metamorphosis, her realistic renderings appear undeniably abstract. Reconciling this peculiar nexus of figuration and abstraction requires a combination of narrative interpretation and formal analysis.
For the past few weeks Maris has subjected her work to yet another transformation. Digitized for Instagram, her paintings recede even further from reality as they lose their sense of scale and facture. Luminous, smooth, handheld and yet fleeting, the Instagrammed paintings become part of a virtual experience that inherently privileges imagery over materiality. But while it is tempting to think of this dematerialization as a further progression in Maris’s practice, this is not in fact the direction she is headed.
Quite to the contrary, Maris’s most recent work is newly and notably haptic—featuring pink, red and peachy impastos that evoke raw meat. Examples will soon be on view, in the flesh, in the artist’s first solo show at Praz Delavallade, Paris (“HiĂ©romancie”, February 20–April 10, 2021). This body of work would have also been at home in a 2009 exhibition titled “Flesh Made Paint” (Frist Art Museum; Phillips Collection), which featured carnal paintings by the likes of Francis Bacon, Lucian Freud, Jenny Saville and Cecily Brown. Even without explicitly referencing the body, Maris follows a painterly tradition that pushes the medium beyond mimesis and towards a visceral reality.
Mara Hoberman, 2021
Le processus crĂ©atif en plusieurs Ă©tapes de Maude Maris commence au marchĂ© aux puces ou Ă la boutique d’antiquitĂ©s, oĂą elle se procure de petits trĂ©sors comme des figurines d’animaux, des coquillages et autres boules Ă©clectiques. Elle utilise ces objets pour crĂ©er des moules pour moulages en plâtre, qu’elle teinte plus tard avec diverses encres. Elle organise ensuite les statuettes multicolores rĂ©sultantes en compositions tridimensionnelles - en faisant pivoter, en inversant et en rĂ©flechissant un ou plusieurs moulages et jusqu’Ă ce qu’elles ressemblent Ă peine aux objets sur lesquels elles sont basĂ©es - et prend une photo. Enfin, en regardant ces photographies, elle peint.
Les peintures finies sont intensĂ©ment, mais agrĂ©ablement dĂ©sorientantes, du fait que l’artiste utilise un style hyper-rĂ©aliste pour reprĂ©senter des sujets mĂ©connaissables. Si nous sommes impressionnĂ©s par ses reprĂ©sentations magistrales des reflets, de la profondeur, du volume et de la texture, nous restons perplexes devant ce que, prĂ©cisement, nous regardons. Fossiles, pierres prĂ©cieuses, ruines architecturales ou peut-ĂŞtre des morceaux de corps? MĂŞme pour un spectateur conscient que les peintures de Maude Maris sont l’Ă©tape finale d’une mĂ©tamorphose physique et conceptuelle, ses rendus rĂ©alistes semblent indĂ©niablement abstraits. RĂ©concilier ce lien particulier entre figuration et d’abstraction nĂ©cessite une combinaison d’interprĂ©tation narrative et d’analyse formelle.
Ces dernières semaines, l’artiste a soumis son travail Ă une autre transformation. NumĂ©risĂ©es pour Instagram, ses peintures s’Ă©loignent encore plus de la rĂ©alitĂ© car elle perdent leur sens de l’Ă©chelle et de la facture. Lumineuses, lisses, Ă la main et pourtant Ă©phĂ©mères, les peintures instagrammĂ©es font partie d’une expĂ©rience virtuelle qui privilĂ©gie intrinsèquement l’imagerie par rapport Ă la matĂ©rialitĂ©. Mais s’il est tentant de considĂ©rer cette dĂ©matĂ©rialisation comme une progression supplĂ©mentaire dans la pratique Maude Maris, ce n’est en fait pas la direction dans laquelle elle se dirige.
Bien au contraire, le travail le plus rĂ©cent de l’artiste est nouvellement et notamment haptique, avec des empâtements roses, rouges et pĂŞche qui Ă©voquent la viande crue. Des exemples seront bientĂ´t exposĂ©s, en chair et en os, dans la première exposition personnelle de l’artiste Ă la galerie Praz Delavallade Ă Paris (HiĂ©romancie du 20 fĂ©vrier au 10 avril 2021). Ce corpus d’oeuvres auraient Ă©galement Ă©tĂ© Ă l’aise dans une exposition de 2009 intitulĂ©e Flesh Made Paint(Frist Art Museum ; Phillips Collection), qui prĂ©sentaient des peintures charnelles de Francis Bacon, Lucian Freud, Janny Saville et Cecily Brown. MĂŞme sans faire explicitement rĂ©fĂ©rence au corps, Maude Maris suit une tradition picturale qui pousse le mĂ©dium au-delĂ de la mimesis et vers une rĂ©alitĂ© viscĂ©rale.
Mara Hoberman, 2021
Traduit de l’anglais par ADT International
Maude Maris builds the subject of her paintings. Before painting, she implements an investigative process of molding and photographic staging of everyday objects. Through these steps, she offers the new status. The objects broaden with interpetation potential, other possibilities, regarding their scale, function and material. Each object can therefore pass from a family to another (animal form to bone, stone to body fragment, etc.) as Maris moves through a fuid classification of the world. Confronted with these objects, the viewer, caught between the perspective illusion of a glazed space and difficulty of identifying their scale, projects his own idea of forms and things. Maude Maris lives and works in Malakoff, her work is represented by the galleries Praz Delavallade in Paris/Los Angeles and Pi Artworks in London/Istanbul.
Maude Maris fabrique le sujet de ses tableaux. Elle met en place tout un processus prĂ©alable Ă la peinture, de moulages et de mise en scène photographiques d’objets du quotidien. Par toutes ces Ă©tapes, elle leur offre de nouveaux statuts. L’objet se charge d’un potentiel d’interprĂ©tation, d’autres possibles, tant concernant son Ă©chelle que sa fonction ou sa matière. Chaque objet peut alors passer d’une famille Ă l’autre (d’une forme animale vers un ossement, de la pierre vers un fragment de corps, etc..). Il pourrait s’agir d’une tentative de classification mouvante et fluide du monde. Face Ă ces objets, le regardeur, pris entre l’illusion perspective d’un espace lustrĂ© et la difficultĂ© d’identifier leur Ă©chelle, projette sa propre idĂ©e des formes et des choses.
Maude Maris vit et travaille à Malakoff, son travail est représenté par les galeries Praz-Delavallade à Paris/Los Angeles et Pi Artworks à Londres/Istanbul.
Mara Hoberman is an art historian and critic based in Paris where she is currently conducting research for the Joan Mitchell catalogue raisonné. She is a regular contributor to Artforum and has authored texts for catalogues published by the Swiss Institut, New York ; the Indianapolis Museum of Art ; The Essl Museum, Klosterneuburg, Austria ; the Middelheim Museum, Antwerp, the Palais de Tokyo, Paris and the Pompidou Center, Paris.
Mara Hoberman est une historienne et critique d’art basĂ©e Ă Paris oĂą elle mène actuellement des recherches pour le catalogue raisonnĂ© de Joan Mitchell. Elle contribue rĂ©gulièrement Ă Artforum et a rĂ©digĂ© des textes pour des catalogues publiĂ©s par le Swiss Institut, New York ; le Indianapolis Museum of Art ; le Essl Museum, Klosterneuburg, Autriche ; le Middelheim Museum, Anvers, le Palais de Tokyo, Paris et le Centre Pompidou, Paris.
La nature occupe une place omniprésente dans l’œuvre de l’artiste : les fonds, les plantes, les guirlandes et les ornements monochromes se voient intensifiés par un processus de fusion entre anamnèse visuelle et association libre d’images, principe même de la psychanalyse, afin de renverser les idéaux de clarté classique avec des références évidentes à l’histoire de l’art, parmi lesquelles Nicolas Poussin, Caspar David Friedrich et Arnold Böcklin. L’alliance créée entre les sens et l’intellect, ou plutôt entre la perception et la cognition, semble jouer un rôle essentiel, dans la mesure où Anne Laure Sacriste croit fermement en un précepte selon lequel une image appréhendée par les sens représente le point de départ d’une vision qui s’étend progressivement et se modèle de façon lyrique pour donner naissance à des formes et métaphores poétiques toujours nouvelles et vitales. Son travail met en place une ekphrasis motrice, vue comme « un discours descriptif qui place concrètement l’objet sous les yeux. » Il se caractérise par l’enà rgeia*, la force de la représentation visuelle composée de « personnes, choses, moments, endroits et périodes, et bien plus encore » et délicatement enrichie de suggestions, formes et couleurs, tous ces éléments qui constituent l’épopée.